Aujourd’hui, je me suis plongée dans mes vieux écrits. Des tas de papiers criblés d’encre bleue (ou noire selon ce que je trouvais dans mon fouillis). Bien ! Vous délivrer mes travers n’est pas à l’ordre du jour … Et je retrouve ce fameux texte que j’avais écrit à la suite d’une véritable humiliation. Je vous le livre sans retouche pour que vous puissiez prendre la mesure de mon désespoir :

« L’homme écrit. Sa narration coule librement avec une facilité déconcertante. Cet alchimiste des mots décide, d’une façon unilatérale et non démocratique, de supprimer mon texte. Cette prose, évocatrice mais trop succincte à ses yeux, ne trouve pas sa place, sans doute, aux côtés de celle des grands. Il se montre alors intolérant pour un débutant courageux et pugnace. Je vous livre cette création inédite et évocatrice, pleine de charme et de mystère :

Le titre : le cri du coyote

Déjà, le titre est prometteur. Il interroge, il inquiète. On sent, là, toute la créativité d’un écrivain en devenir. Nul doute, par exemple, que la scène n’aura pas lieu à Brignoles. De mémoire de brignolais, on n’a jamais vu un coyote à la terrasse d’un café place Carami. Non, ce sera ailleurs, dans un pays sauvage et lointain, mais où ? Le suspense dans le titre … tout est dit, ou presque … et pourtant !

Le texte : ouh !

Un ouh précis, un ouh plaintif d’une bête esseulée, peut-être blessée, dans la forêt immense. N’est-il pas sublime ce “ouh” tracé avec tendresse !

On aurait pu écrire “woua” c’eût été d’une banalité affligeante, de la vulgarité d’un livre trouvé sur un quai de gare un jour de pluie ; prose utilisée par tous les canidés du monde et des terrasses de la place Carami et, j’ajoute, des buffets de gare. Mais non : ouh – simplement, sans artifices. Aucune phrase grandiloquente ne peut remplacer ce “ouh” lancé dans un souffle.

Imaginez la révolution dans la littérature d’un texte court mais qui en dit tellement long. Nulle emphase ni expression superfétatoire ne viennent troubler cette sobriété qui n’altère pas sa puissance. Comprenez l’impact sur la forêt amazonienne de cette édition ne nécessitant qu’une seule petite page.

Ce “ouh” puissant, ce “ouh” grandiose,

Ce “ouh” … disparu des tablettes.

La censure est cruelle, brutale, voire même irresponsable ».

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