La représentation avait déjà commencé depuis quelques instants. Un petit bonhomme, au fond de la salle, sur son trente-et-un, costume trois pièces et nœud papillon, continue à versifier. Fort de son génie créatif, il noircit du papier en toutes circonstances. Jamais ses poèmes n’ont pu séduire les belles convoitées. Ses mots se perdent dans le désert mais laissent froid un nomade qui passe.
La muse, lasse de cette médiocrité, médusée par le spectacle, abandonne le rimailleur et rejoint l’artiste.
L’amateur amant des muses perd son inspiration et son sang-froid ; et ses rimes stériles s’emmêlent et s’entortillent autour du nœud papillon qui tombe. Le papillon s’envole vers la scène. il regrette sa jeunesse, du temps où il était chenille il aurait voulu lui aussi plaire à la muse. Il aurait pu se mettre en rond et se tortiller gracieusement … Hélas ! Il n’est plus qu’un superbe paon du jour, simple accessoire de théâtre.
Le contorsionniste, étranglé par l’émotion et troublé par la beauté de cette créature, rate sa prestation. Il chute lourdement sur le papillon qui n’est plus à ramasser à la petite cuiller ! La muse console l’artiste. Sa bienveillance et son talent subliment le numéro et le remplissent de poésie. Ces deux là ne se quitteront plus. Le petit bonhomme crie « au scandale. On m’a volé mes vers et mon papillon s’est envolé ». Mais personne ne fait attention à lui.
Un nomade, plus curieux que le premier croisé dans le désert, arrive à l’entracte, un sac dans le dos plein de rimes et de mots qu’il avait cueillis dans les dunes ; et il les distribue au public. Ne vous étonnez pas si, aujourd’hui, dans cette petite ville du sud de la France, les deux tiers des habitants sont poètes. Pour le tiers restant, c’est la traversée du désert. Mais ils reviendront : « minute ! Papillon! ».
J’aime beaucoup….
C’est la photo qui m’a interpellée, puis à la lecture je reconnais votre aisance avec les mots qui chantent et s’invitent pour notre plus grand plaisir