Un verre à la main, Théo propose sa seule contribution culinaire, une mise en bouche quelque peu rudimentaire: des canapés jambon-mayo qu’il baptise assez finement « toast du commis de cuisine ».
– Et donc, ce parfum… c’est, laisse-moi deviner… du coq au vin?
– Bravo! Madame est connaisseuse!
– Très peu, mais si je devais en inventer le parfum, je trouverais celui-ci parfait! Pourquoi du coq?
– Et bien… en fait, je n’avais pas vraiment de choix… enfin, je veux dire que parfois les choix s’imposent à vous et du coup ce ne sont plus des choix mais plutôt des évidences!
Le diner s’annonçait plaisant, mais les explications compliquées. Il allait falloir faire preuve de beaucoup d’humour, de finesse et d’à-propos. Heureusement la jolie Magalie rit aux blagues du cuisinier, le surnomme « ratatouille » en lissant du bout des doigts ses mèches hirsutes, et donne à Théo l’impression d’être un flibustier prêt à rafler la mise avec l’accord des autorités.
Il place le plat sur la table mais peine à déceler le couvercle. La pâte est aussi solide que du mortier. Armé du marteau et du burin fourni par le petit homme, il tape avec application comme s’il s’agissait d’ouvrir une trappe carrelée, sous les yeux hilares de son invitée.
Soudain le couvercle se lève et c’est là qu’apparaît comme sorti d’un chapeau de magicien:
Taaaadaaaa… le lapin !
Le lapin?
Ben oui… Théo n’en revient pas. Aucun doute, le coq n’en est pas un. Hôtes at home est un guet-à-pans organisé. Le diner file en roue libre sur la mauvaise pente.
Magalie hume la cocotte les yeux fermées puis les ouvrent éberluée:
– Mais ce n’est pas un coq au vin, ou sinon il a de gros mollets ton coq…
Ratatouille sans se démonter:
– Ah tiens ! toi aussi ! Tu as vu ça ? Je leur ai bien dit en l’achetant, mais paraît-il que c’est une question d’espèce…
– oui enfin là, ton espèce en question, c’est un lapin! Il faut appeler un chat un chat, un coq un coq, et un lapin un lapin! Un lapin au vin rouge, oui, mais un lapin!
– Tu sembles certaine. Pourtant regarde la tête: il n’a pas d’oreilles…
– Arrête de faire l’idiot, Théo. Tu m’as fait bien fait rire, mais tu sais que j’ai un lapin de compagnie. Je ne vais pas manger l’un de ses congénères! Tu ne mangerais pas un chien, toi, si?
Dans un dernier sursaut Théo tente un:
– Franchement, j’aime les « hot dogs »…
Mais le regard de Magalie est éteint. Le flibustier a coulé. Il fulmine intérieurement et ne peut réfréner un:
– Il va me le payer le pygmée en imper. Il m’a posé un lapin! S’il croit que je vais payer un iota pour sa prestation!…
– Quel pygmée en imper? Quelle prestation ? Tu vas bien Théo, tu es tout pâle?
– oui , oui , je suis désolé… Ça t’ennuie si je commande quelque chose de simple?
Feuilleton épique, je suis ferrée. Quel joie ce lapin sorti du chapeau!
Savoureux le “coup du lapin” Elle va peut-être lui en poser un !
Cet épisode est plus enlevé que le deuxième mais la pub restée sur la table, c’était bien trouvé