Ce dimanche la fête bat son plein sur la grande place du village. Aujourd’hui se déroule le grand concours national de jeux de bottes. Monsieur le maire vient de faire un petit discours au débotté et déclare ouverts les jeux. Les nombreuses tiges présentes s’agitent, se congratulent, s’encouragent.
La première épreuve voit l’entrée en lice des bottes de foin, elles doivent courir sur plusieurs mètres, enjamber quelques obstacles et couper la ligne d’arrivée. La gagnante s’écroule sur la ligne et se tord de douleur. Vite, on se précipite, il faut trouver l’aiguille coupable dans la botte de foin.
Puis vient l’épreuve de l’eau. Les bottes de pluie doivent marcher sur une ligne d’eau. La plus étanche sera déclarée vainqueure à l’issue de l’épreuve. Tous les coups fourrés sont permis, on s’éclabousse, on saute dans l’eau, on s’asperge. La bottine et le bottillon échappent de peu à la noyade. Les concurrentes passent des tests de dopage. Il est interdit d’enduire sa botte de crème protectrice sous peine de disqualification. La botte caoutchouc gagne le concours d’étanchéité, suivie de près par la botte plastique.
En fin de journée, la grande course de bottes cavalières fait refluer une foule de spectateurs et de participants vers le mini-hippodrome. Les participantes sont toutes plus belles, plus élégantes, plus rutilantes les unes que les autres. On s’extasie, on encourage, on fait preuve de mauvaise foi pour dénigrer les favorites. L’excitation monte encore d’un cran lorsque les concurrentes se rangent côte à côte sur la ligne de départ. Chacun a parié de grosses sommes sur les leaders ou prit des risques en faisant monter la côte des outsiders. On s’invective, on remue, on crie, on applaudit.
Le départ est donné et les bottes se ruent en avant. On s’observe, on prend le relais, on cherche à se placer à la corde. Une concurrente, qualifiée de lèche-bottes est disqualifiée. Dans les derniers mètres, les vivats des spectateurs virent à l’hystérie. C’est la botte de sept lieux qui gagne loin devant la botte de cowboy et celle de l’Italie. La vainqueure reçoit trois bottes de radis et un chausse-bottes. Monsieur le maire remet les récompenses sous les hourras de la foule survoltée.
Trop fort ! encore une fois.
A lire au réveil pour rester de bonne humeur toute la journée même sous la pluie.
Je me jette sur vos textes et je les dévore …
Merci Mélanie, un commentaire qui me ravit et m’encourage tellement à continuer.
Il ne manque que la botte de l’escrimeur !
Bravo pour cette parenthèse distrayante.
Certaines bottes n’avaient pas pu se préparer comme il se doit pour l’évènement et elles ont dû y renoncer…
C’est tellement chouette que je souris encore !
Merci Ma pie pour ce long sourire!
J’aime beaucoup. Un vrai reportage ! Il n’en est une qui ne soit vivante, de toutes ces bottes si sympathiques.
Cependant, je les entends, toutes, réclamer leurs points d’exclamation (et quelques virgules aussi, mais elles n’en font pas la même “histoire”…) ! «Pourquoi l’a-t-elle banni ? se demandent-elles ! Elle a pourtant bien compris que nous sommes bien vivantes, et qu’être vivante, quand il s’agit de nous, ne peut que s’exclamer !…»
(Bien amicalement 😉 )
Le texte de Fransoaz est riche et les bottes suffisamment vivantes pour se passer de l’artifice des points d’exclamation. Sobriété : art difficile.
Chère amie @melanie chaine
Non, selon les bottes (qui m’ont contacté par SMS et par courriel), le point d’exclamation n’est pas un artifice ! Mets-toi à leur place : comme je l’argumente d’ailleurs dans ma critique, les bottes sont des objets ; or, ces objets deviennent – par la magie narrative de l’autrice – vivants ! Comment exprimer leur vie “dans la ligne” (dans le texte, la transcription…) autrement que par l’exclamation, et son point [son manifeste de ponctuation ?] ?!
Quant à la “sobriété”, je me garderais de la confondre à “l’essentialité” (ce mot n’existe pas dans la langue française… mais je crois que tu me comprendras…)
Sinon, “no problems” : continuons cet échange ! (L’idée n’est pas pour moi d’avoir raison…)
Merci en tout cas de ta “contre-critique” 😉 [J’aimerais tant que chaque publication sur AlgoMuse puisse bénéficier de tels critiques contradictoires… Mais ça viendra, j’ai confiance 😉 ]
Bien amicalement,
J’avais demandé aux bottes de ne pas transmettre leur 06, il y en a une qui devait être à la botte de l’administrateur d’Algomuse, je suppose!
C’est vrai que ces échanges sont très riches et ouvrent des réflexions (chez moi en tous cas)
Merci Mélanie, j’ai tendance à penser comme vous.
Merci Guillaume pour cette pertinente réflexion mais il fut un temps où j’usais et abusais des points d’exclamation, j’ai donc décidé de les modérer. J’avais même l’impression que mes textes étaient parfois envahi par les points d’exclamation et ressemblait à un texte truffé d’émoji. J’ai donc choisi la sobriété dont parle Mélanie.
Excellent ! Merci de cette fête originale, si drôle et bien contée.
Merci Angelune, un petit air de kermesse que j’ai beaucoup pratiqué.
En lisant le titre “Le bruit des bottes”, c’est terrible parce que j’ai d’abord pensé au silence des pantoufles (“pire que le bruit des bottes, le silence des pantoufles”) et puis aussi à “l’ordre en kaki” (pour la chanson de Jean Ferrat). Mais en fêtes, vous recolorez le bruit des bottes. J’ai bien aimé ce bruit vivant, qui contraste et qui permet, le temps d’une lecture, de se détacher du bruit sourd des bottes brunes.
Merci pour ces références Silki Houette, “le bruit des bottes” comme un appel à ne pas oublier.
Des bottes très humaines !!
Agréable d’entendre le bruit des bottes dans un autre registre que celui de la peur et de l’horreur.
Merci Sophie. Parfois les bottes font juste un bruit de caoutchouc inoffensif!
je découvre avec plaisir et me joins aux hourras de la foule : avec cette histoire pleine d’humour rondement menée, nous sommes tous gagnants! Merci