Elle était tout occupée à choisir chacune de ses oranges quand une main se posa sur son épaule comme un oiseau migrateur faisant halte à la tombée du jour. Le geste n’avait rien d’une agression, il tenait bien plus d’une douce caresse, cependant, malgré elle, son corps réagit à l’intrusion, suscitant un mouvement vif de sa paume ouverte comme pour chasser un insecte gêneur. Ce faisant elle laissa échapper un joli fruit doré qui cascada sur l’étal du marchand et tomba directement dans le panier en osier posé à ses pieds. Un petit rire lui échappa, ponctué aussitôt par la remarque du commerçant. « En voilà une méthode acrobatique pour me taxer mes plus belles oranges, Marie je ne vous savais pas prestidigitatrice ! »
La main s’était envolée de son tendre appui, comme gênée par les conséquences de sa venue. La vieille dame se retourna lentement pour ne pas effaroucher le voyageur, si discret, resté silencieux à son côté attendant d’obtenir l’attention qu’il quémandait. Marie croisa le regard bleu-vert de l’homme et s’y perdit comme on plonge en pleine mer. Plus elle descendait dans les profondeurs océanes de ces yeux, plus elle se sentait renaître à ses jeunes années. Elle revint au réel de cette belle soirée en entendant la voix grave si longtemps espérée lui dire : « Me feras-tu l’offrande de ton gâteau à l’orange, Marie ? Son souvenir m’a suivi au bout du monde et en cinquante ans de vagabondage jamais aucune douceur n’a su l’égaler. »
@Angelune, la magie de vos lignes me manquaient.
Merci Mélanie, comme un oiseau migrateur me voilà de retour 😉
Je souhaite que la saison dure longtemps …
Sublime.
Je vous lis en écoutant Brel (Jojo) et en me souvenant d’un atelier d’écriture dans lequel nous avions rencontré (peu ou prou) ce sujet. Sur dix ou douze que nous étions, pour la plupart d’entre-nous, c’était la main d’un gendarme qui se posait sur [notre] l’épaule (2016-2018, pour les historiens et les socioloques…)…
Vous avez su l’éviter, le gendarme. Brava Madam!
D’une certaine manière, “il” est pourtant là, ce fameux gendarme… mais vous l’avez instrumentalisé, utilisé, et l’avez réduit à servir votre littérature. Plus encore, vous le (la peur) mettez en abîme de la sociabilité spontanée (la confiance), et nous invitez, pour finir, à continuer de rêver à l’amour… (?…). C’est en tout cas ma lecture.
Voulez-vous que je vous dise ? S’il fallait aujourd’hui que je m’engage dans le projet de créer l’AlgoMuse, eh, bien, ce texte que vous venez de publier emporterait ma décision (malgré la connaissance que j’ai maintenant de la vraie “folie” d’un tel projet): on y va!!
Merci.
L’oiseau migrateur revient nous régaler de ses mots et de son gâteau à l’orange, quel plaisir sensoriel!
Une pure délectation votre texte merci
Encore un beau texte !
Je continue à dénicher des textes que j’ai aimé (qui répondent à des défis)
Un an, 245 lectures !