La vie joyeuse
Elle est retournée au cirque, et la vie a repris. Heureusement que ce lieu existe. Ce terroir agit comme un fertilisant de vie, elle y nourrit ses racines, s’élève vers le ciel accrochée au trapèze, s’allège des contraintes du monde et s’envole très haut. Sa grâce anime les airs, elle vibre avec les oiseaux. Ses bras s’étirent, elle s’élance et danse. Son corps fin se déploie telle une source infinie, le mouvement est sa vie. Tête en bas, tête en haut, elle garde son cap, tourne et virevolte.
Depuis le ciel, elle regarde ce petit monde, tout étriqué. Ce petit monde assoiffé de conventions, qui n’offre de place qu’aux tâcherons rassurés par le cadre – surtout, être dans le moule, exécuter et ne pas questionner. Ce monde qui oublie que l’épargnant vit souvent bien moins gaiement que la cigale audacieuse et joyeuse. Ce monde qui délaisse l’essentiel : la vie.
Il a fallu du temps pour qu’elle s’autorise à être, n’accepte plus de se contorsionner pour entrer dans la case. Il a fallu du temps pour qu’elle comprenne que rien ni personne ne saura mieux qu’elle ce qui nourrit son âme. Il a fallu du temps pour qu’elle hurle son besoin d’exister, pour qu’elle crie sa créativité, s’oppose aux cadres imposés. Pour qu’elle adoucisse ses plaies creusées par la violence d’un monde cruel de négligence. Ses bourreaux inconscients poursuivent leur chemin innocemment, tandis qu’elle se redresse à petits pas, intègre une nouvelle vision du terrain de sa vie, lucide et fragilisée, mais grandie et beaucoup plus ancrée. Car il est plus facile de détourner le méchant de son amour pour le mal que de distraire de son chagrin l’homme triste. En particulier lorsqu’il s’agit d’une enfant qui subit la bêtise et l’ignorance des gens.
Pour célébrer ce chemin vers elle-même dessiné, fortifier ce retour à la vie joyeuse, rien de tel que les acrobaties, les chorégraphies en l’air sur ce trapèze volant. Avec son corps elle trace des volutes de joies. De doux rayons de lune illuminent ses bras, ses délicates jambes s’élancent vers la vie, elle embrasse tout, y compris son pire ennemi. Son sourire éblouit. La force et la candeur de cette jeune enfant donne au monde une leçon d’une chavirante beauté.
Très belle leçon de vie !
Carpe diem !
Quelle belle écriture aérienne et émotionnelle. Il y a quelque chose de Wim Wenders, là-dedans, j’ai eu des flashes du film “Les ailes du désir” avec cette trapéziste.