Je sens qu’il se prépare à partir. Rien ne le retiendra, il a déjà rendez-vous.
Sa voix est là pourtant, comme avant. Elle vacille légèrement, mais qui ne sait pas, ne devinerait pas.
Ai-je rêvé ? Dois-je vraiment croire à ce qui s’apprête à tomber ?
Les mots du quotidien se frottent à cet inévitable, tentent de le dissimuler. Je ne sais s’il veut entendre ces broutilles de la vie ou s’il a besoin d’apprivoiser demain. C’est un grand pas qui se dessine, le deuxième plus grand de sa vie. A-t-il peur ? Comment est-ce, quand on est au pied de cette inconnue ? Que l’on accepte ou pas, il faudra bien sauter. Convoquer tant de courage pour ce qui nous est imposé. Cette dimension tant imaginée. Épouser le mouvement, l’embrasser tendrement. Faire corps avec la vie, danser avec la mort. Sera-t-elle pour lui, un nouveau soleil ?
Je tends maladroitement mes mots, tous insignifiants face à l’envergure du moment. Dépourvus de sens, ils sonnent creux, plus rien n’est important. L’envelopper d’attention, de présence infinie. La distance empêche de toucher, l’abstraction pointe encore son nez.
Ma fébrile pensée se pose sur ce que j’imagine, ce père qui a empli ma vie. De loin, souvent. Mais jamais indifférent. La fragilité de ce colosse éternel est une réalité que je ne peux détourner. Je l’entoure de mes bras d’enfant, trop petits pour ce qu’il est pour moi. Comment vas-tu, toi géant de ma vie ?
La mort n’arrive qu’une fois, mais se fait sentir à tous les moments de la vie. Elle éclaire chaque jour, amplifie notre conscience des instants. Il était plus dur pour moi de vivre aveuglément que d’en faire l’hôte constant de ma vie. Aujourd’hui pourtant, bien loin de la théorie ou d’une emblématique figure de poésie, c’est bien ici et maintenant, que je la rencontre vraiment.
Très joli texte, il me touche particulièrement, bravo
C’est en effet un texte très beau et plein de sensibilité. Difficile de ne pas être touchée…
Un texte qui résonne avec force et puissance dans mon quotidien; je l’aime beaucoup, il me touche profondément.
Je suis ébranlé, je vacille et je pense à mon père, à la première lecture, je n’avais pas compris, je n’avais pas voulu comprendre ..
Quelle sensibilité dans cette description de l’inéluctable. J’ai été glacée d’émotion.