Paul et Marie étaient aux champs, de leurs amours encore tout ravis, lorsque le tocsin retentit.
Ces cloches funèbres me semblent encore tinter à mes oreilles. Non le tocsin de l’incendie, mais celui de la grande boucherie, celle qui emporte amants et maris.
Oh! Que le jour du départ fut triste pour eux!
Paul eut pour son aimée un ultime sourire d’adieu qui dans les pleurs s’éteint.
Quelqu’un de vous peut-il sans frémir songer à son destin?
Au terme d’un éreintant voyage, il s’avança vers le carnage, comme tous les jeunes hommes de son voisinage.
Ils ne furent pas longs à percevoir un grondement lointain, comme un signal d’approche, et voilà qu’ils luttaient déjà, maintenant, sourds, effarés, gueules béantes.
Et quand la mitraille, qui dès l’aube mugissait, jetait en tourbillons ses flammes rouges de sang humain, ils souffraient et gémissaient, leurs bouches de cris tordues en muette prière.
Le conflit s’éternisant, Paul dans la neige et la boue allait à présent s’empêtrant.
“Ce cauchemar aura-t-il donc jamais une fin?” – songeait-il dans ses nuits morbides – en appelant de son cœur le visage de Marie, demeurée au pays et qui, sous sa peine accablée pensait si fort à lui.
Les nids turent leur mélodie lorsqu’il alla lui aussi rejoindre le cimetière immense, fangeux et sans horizon où gisaient, aux lueurs d’un soleil blanc et terne, ses confrères d’horreur, aux larges yeux froids, chargés d’éternité.
À l’oubli dont la mort commence à le couvrir, préférons, je vous en supplie, souvenir et repentir.
Des vers parfaitement intégrés dans votre texte d’une grande cruauté. Un grand bravo Sklaera !
Vous avez su utiliser les vers d’une telle façon que cela rend le extrêmement vivant et poignant. Sublime.
J’ai beaucoup aimé.
J’ai voyagé dans l’espace trouble qui sépare mes deux individus (principaux…) : le rationnel et le sentimental. Le romantique, pour ce dernier ?…
Au final, je reste avec deux impressions : l’une divergente (je suis un peu “soupe au lait”…), l’autre assez consensuelle je crois (la virtuosité de l’exercice auquel vous vous êtes livrée ne fait que confirmer que toute création est – essentiellement – plagiat).
Pour la “soupe au lait” : “riches et pauvres” n’ont jamais été dans les mêmes “tranchées” ; peut-être faudrait-il nuancer, car je crois sincèrement que ce n’est pas ce que vous vouliez dire… Pour ceux qui pourraient penser que c’est, au contraire, exactement ce que vous vouliez dire, je les renverrais aux travaux des historiens…
Pour “le plagiat” : votre texte est plein de “gras” (autrement dit de citations) ! Bravo ! Cela en fait-il un plagiat ? Oui, si ces “gras” ne peuvent se combiner dans une idée nouvelle, une idée propre (à l’auteur-e). Non, quand ils le peuvent. Et ici, pour le coup, le texte est à vous.
En fait, l’Algomuse (l’Algoscriptor, le processus…) sert ici de loupe, d’amplificateur : il caricature (en quelque sorte) le processus créatif. On voit plein de “gras” partout, mais quand on y regarde de plus près, n’est-on forcé de constater que le “gras” ne tiendrait pas ensemble sans le “maigre” ? Or, la création justement, n’est-elle pas dans le “liant” ? (Oh, je n’invente ni n’improvise rien ici, croyez-moi ; je ne fais que répéter… Plagier ?…)
Merci en tout cas de ce moment de grand plaisir, de ce texte intense qui me force à réfléchir !
Il m’a aussi fait penser à un film que j’ai vu récemment : “All quiet on the western front”… (que je noterais 6,5/10, mais je suis dur en notation cinématographique… “6”, c’est déjà presque une “bonne” note chez moi…).
Et pour finir, grâce à vous, me reste une question : quand serons-nous capables, pour chacun d’entre-nous, de nous lever et de dire : “je refuse la guerre” (au prix de sa propre vie, bien entendu…) ?
Merci, Guillaume, pour ce splendide commentaire plein de réflexions pertinentes.
Je ne prends jamais mal vos critiques, si je fréquente l’Algomuse, c’est bien parce que je suis en quête de conseils et de remarques qui m’aident à progresser, en style comme en pensée / philosophie.
Oui, j’avoue que j’avais hésité à inclure le vers sur “les riches et les pauvres” (du reste le vers d’origine ne mentionnait pas ces derniers) et je sais qu’ils n’étaient pas dans les mêmes tranchées. Je crois que je vais revoir un peu ce texte, en tous cas ce point-là.
Et puis, oui aussi, je me suis posée la question du plagiat, en incluant tous ces vers d’auteurs différents. Après tout, une bonne moitié du texte émanaient d’eux et non de moi. Je considère cela comme un exercice de style et non comme une création personnelle.
Mais je lui donne aussi une portée plus universelle, je veux dire que je ne le restreint pas à une évocation de la “grande” guerre (aucune guerre n’est “grande” pour moi, elles ne sont toutes que le triste reflet de la petitesse et de la mesquinerie humaine sous leurs pires aspects).
Dernière modification, ce coup-ci, je crois que ça va.
Et merci à @melanie chaine aussi, qui a pointé une coquille. Dans la foulée, j’en ai corrigé deux autres, je devais être dans la lune, hier!
Comme je ne suis pas d’un naturel susceptible, n’hésitez pas à me dire quand il y a des fautes que je n’avais pas remarquées car je ne suis toujours pas munie du stylo électronique correcteur d’orthographe. Pour l’instant, il n’équipe à titre expérimental que quelques écoles…! 😉
Bon, j’ai légèrement modifié, pas sûre que ce soit mieux.
” Pêle-mêle de vers de Beaudelaire, Beltjens, Dierx et divers poètes” il me semblerait plus juste de parler d’un sublime assemblage.
Sklaera, j’aimerais approcher cette capacité que vous avez à pêle-mêler les mots et les phrases des autres .
Merci …