AlgoZimage du 30 juin 2023

L’anorexique

Deux mois enfermée dans cette chambre impersonnelle. Visites interdites. Ni lecture, ni musique. Le vide. Confrontation avec moi-même. Personne ne peut comprendre. Tout ces efforts pour gommer un corps qui s’arrondissait, faire disparaître ces formes que je refusais : ils veulent les anéantir. L’infirmière arrive avec le plateau maudit. La nourriture me dégoûte, elle est mon ennemie. J’avale une bouchée. « encore » me dit-elle « encore une et je vous apporterai un livre ». J’ai tellement envie de lire. J’avale à contre-cœur. 
Chaque effort m’apporte une récompense. Chaque prise de poids les réjouissent. Je les déteste. Je me déteste. 
Six autres mois d’efforts, six mois à gravir une montagne que je refusai d’atteindre. Et ils ont regardé la balance. Ils m’ont dit « tu peux sortir maintenant ». Je ne m’aime pas. Je me trouve énorme.
Maman est venue me chercher. J’ai besoin de sa tendresse. Elle est en face de moi et joue l’indifférente pour ne pas me brusquer. Elle veut que je guérisse et prépare mes plats préférés, ceux que j’engloutissais enfant. Mais je ne suis pas malade ! Je souhaite simplement que mon corps disparaisse à nouveau et redevienne léger comme une plume pour se faire oublier.