AlgoZimage du 10 juillet 2023

Il a parcouru la ville, de maison en maison, pour saisir les fruits de l’usure, monnaie trébuchante, sans refuser quelque bijou ou quelque bel objet chez ceux qui n’avaient presque rien et n’avaient plus d’autre choix que de laisser partir leurs souvenirs. 
Il a vidé son pesant sac de toile, laissant s’éparpiller l’or et les pierres sur le bureau en un cliquetis familier et savoureux. Il a accroché une broche sur la coiffe de son épouse en quête vaine d’un sourire.
Mais, le regard absorbé et sévère derrière son binocle ajusté, elle était déjà à l’œuvre devant le grand livre… à peine avait-elle entendu la clé s’introduire dans la porte, ce petit bruit annonciateur de la récolte qu’elle attendait avec impatience. 
Sans un mot échangé, compter ! Sa raison d’exister. Les pièces qui glissaient prestement dans sa main devenaient écriture. Aligner à la plume d’oie les colonnes de chiffres, qui formaient des nombres et les nombres grossissaient. Totaliser et recompter avec gourmandise, évaluer la courbe de croissance de leur richesse dont ils ne feront jamais rien. Reliés tous deux par la même avidité, la même jouissance, l’un amassait, l’autre comptait.
L’éclat fascinant de l’or les avait rendus aveugles. Ils ne se regardaient plus.