Affaire de gazon

– Bonjour, c’est moi, Lucien, mais vous pouvez m’appeler Lulu. J’étais spécialisé en ville dans le vol à la tire. Je vous dis ça, car maintenant, il y a prescription ! Je sévissais dans le métro. Vous avez devant vous le pickpocket le plus habile de toute la capitale – un vrai travail d’artiste ! Habileté, discrétion ! J’ai dû arrêter il y a une dizaine d’année à cause de rhumatismes. Mes mains avaient perdu leur agilité. Et puis je commençais à être un peu trop connu. J’étais grillé. Allez ! Salut ! J’ai à faire.
Lucien, qui s’était mis au vert, sillonnait maintenant la campagne. Sa manie de voler ne l’avait pas quitté mais il opérait maintenant dans les jardins pour retrouver le frisson du défendu … Il visitait toujours les lieux plusieurs fois pour que ses « prélèvements » passent inaperçus. Il retournait aujourd’hui dans un jardin superbement décoré de mille objets disposés artistiquement sur une pelouse qui n’avait rien à envier à un green. Mais grande fut sa déconvenue :
– quoi ? Un gazon trop long m’interdit l’entrée et me cache tous les trésors que recèle cette propriété ! Je l’interprète comme un signe de négligence, l’indice d’une surcharge de travail, d’une maladie passagère ou d’un deuil familial. Pis encore, une preuve de paresse. La pelouse est un véritable champ du signe.
Et Lucien reprend :
– J’ai perdu ma journée. Cette expérience sera peut-être pour moi le chant du cygne. Me reconvertir en jardinier ? Ce n’est pas une sotte idée !

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