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– Tiens, Renée, va donc chercher la goutte, que ce monsieur il est tout pâle comme un torchon propre. C’est bien un teint de parisien, pas vrai ?
– Monsieur Henri, comment vivez-vous ce confinement ?
– Et bien, voyez-vous, Monsieur le reporter, avec mes dix-mille hectares, je mets plus d’une heure pour en faire le tour. J’obéis, je ne dépasse pas la clôture, vu que derrière, c’est chez le voisin ; mais … je mets plus d’une heure. Bon, les autres n’y voient rien. Et puis d’abord, je-suis-chez-moi C’est-t-y pas vrai ? mais pour sûr ! j’mets plus d’une heure !
– Et pour vos courses ? ce n’est pas trop compliqué avec la conjoncture ?
– pour ce qui est de la conjoncture comme vous dites … euh … je sais pas … mais nous, ça va. On peut encore tenir une bonne saison avec les conserves de la Renée et la cochonnaille de notre fils. Je vais vous faire voir la cave, là ou y a du bon vin comme elle dit la chanson ; mais avant, on va les laisser finir avec leur télévision et tout leur bazar. Tenez, venez donc vous autres, venez trinquer avec la goutte ; vous aussi, vous êtes pâle comme du pain pas cuit.
J’ai bien pourtant une question : vous pensez qu’on va avoir un autre confinement ? vous comprenez, ça m’arrangerait vu qu’on ne voit plus d’avions, du coup, mes vaches, elles sont plus calmes et que la Renée elle à moins de mal à les traire.

Quand est-ce donc que je vais passer dans le poste ?

 

Ah ! la campagne – Suite 1

Bonjour les auditeurs, nous accueillons aujourd’hui, le 25 août 2021, Monsieur Henri dans nos studios, l’agriculteur qui a reçu nos journalistes dans sa ferme le 19 avril 2021. Ce reportage a fait l’objet d’une émission télévisée.

– Monsieur Henri, dites-nous ce qui s’est passé depuis notre visite.

– Tout d’abord, si vous permettez, j’aimerais vous dire que votre émission était bien belle, même que la Renée a versé sa larme de voir qu’on parlait de nous. C’était la première fois qu’on se voyait en images à part la photo encadrée de notre mariage. Ça nous a fait quelque chose pas vrai ?. On a bien changé !. Ils ont passé l’émission dans le café du hameau et tout le monde a applaudi.

Mais j’aimerais, puisqu’on m’entend dans le poste, avertir la Renée qu’il faut qu’elle aille chercher le fils, vu que la noiraude va vêler. Ce sont des choses qu’on ne commande pas, vous comprenez !.

Mais revenons à votre question. Les vaches n’ont jamais tant rempli les seaux puisque les avions ne passaient toujours pas. On a fait des fromages et on a embauché le fils pour faire les marchés. Ça nous a bien rapporté cette affaire. Pourvu que ça dure !. On a pourtant eu les canadairs qui sont passés au-dessus de nos têtes rapport aux feux de forêt du 16 août. Sacrebleu ! Ils sont fous ceux qui font ça.

Comme je l’avais dit, on n’est pas contre un autre confinement. On est bien chez nous et on y reste. Je n’ai jamais bougé d’ici, sauf quand j’ai fait mon service militaire.

Bon, je vais vous laisser, j’ai peur de rater mon train. Tenez, je vous ai apporté la goutte. Et puis passez nous voir à l’occasion, vous verrez comme c’est calme par chez nous. Bon air, bonne goutte, et vous reprendrez des couleurs !. Allez ! Merci et à la revoyure !.

 

Ah ! la campagne – Suite 2

– tiens ! On frappe ! Va donc ouvrir Renée ! Qui ça peut bien être à c’te heure. Ah ! Mais ce sont les reporters ! ; on ne vous attendait point mais on est bien contents. Il paraît que cette saleté de virus ne vous cause plus de misères à vous les gens de la ville.

– comment allez vous, Madame Renée et Monsieur Henri, depuis qu’on s’est quittés ?

Oh ! Nous ! Ça va, pour sûr ! On est bien vaccinés, rapport aux vaches : vous comprenez, il faudrait pas qu’elles attrapent cette fichue maladie comme les … comment que vous les appelez donc !…oui c’est ça : les pangolins ! Sacrebleu !…

On n’a jamais porté le masque. La Renée nous en avait cousu un pour aller quelquefois au bourg !. On a l’air de guignols avec ces trucs. Moi, dans les champs avec mes vaches, je n’en ai pas besoin. Je ne veux pas leur faire peur ! Pas vrai ?

Mais les avions recommencent leur tintouin et ça n’est pas bon pour nos bêtes, vous comprenez. Elles donnent moins de lait. On n’était pas vraiment contre que ça dure votre histoire.

– tiens la Renée, avance donc la goutte ! Et vos cameramen ? Où sont-ils donc ?

– on est juste venus vous saluer et vous offrir deux billets d’avion, pour deux jours à Paris, tous frais payés, pour vous remercier du reportage que nous avons pu faire, avec vous, pendant le confinement.

– dites moi ? On a aussi le retour ? Parce que pour deux jours, on peut demander au fils mais nous, on ne peut pas rester à Paris. Pour la camera, c’est dommage. On aurait bien aimé être encore une fois dans le poste. Pas vrai la Renée ? En tout cas merci pour le cadeau. Vous êtes bien aimables. Tiens Renée, va donc leur montrer le veau de la noiraude qui vêlait quand j’étais dans votre studio. Celui-là, je crois qu’il fera le concours, tellement il est costaud. Ça, c’est de la belle bête ! Moi, je dois vous laisser. J’ai du foin à rentrer avant la pluie. Bien le merci pour votre visite.

On ira vous voir quand on ira à Paris.

Ah ! la campagne – Suite 3

La perspective de cette visite à la capitale avait semé la révolution à la ferme. Lucien, le voisin, aurait bien aimé être à leur place :

– alors ? Ça y est ? N’oubliez pas les billets !

– « quelle affaire ! Ça n’a pas été facile, pour sûr ! » répondit Henri, tout joyeux.

C’est rapport à la Renée. Elle est timide et elle disait qu’elle n’avait rien à se mettre. Je lui avais pourtant bien dit qu’elle n’avait qu’à demander à Titine de lui coudre une robe ; la Titine, c’est son affaire, elle fait du beau et du solide. Elle n’a jamais bougé d’ici ma Renée, les gens de la ville lui font peur, et l’avion, et tout ça … Maintenant tout est prêt. C’est demain le grand jour. A propos, tu as bien pensé à ma gourde ? Moi, je ne boirai pas leur eau en bouteilles, c’est bon pour avoir des grenouilles dans le ventre, hein, Renée !

(à suivre)

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