Il fait chaud. L’air ambiant agit comme une brume, une brume de chaleur, lissant les contours, floutant les formes, adoucissant les couleurs. Ils ont trouvé refuge au bord de l’eau. Les enfants se baignent sur les rives, pas trop loin, on trempe juste un peu les pieds, un peu plus parfois. Les adultes sont allongés ou assis sur l’herbe, ou bien canotent. Pas de mouvement trop brusque, même l’eau ne fait pas d’éclaboussure. Pas envie de bouger, aucune agitation. Dans ce monde de convenances s’agiter, transpirer, ôter sa veste, défaire sa cravate frise l’indécence. Dans leur robe longue et leur corset les femmes se terrent, à l’ombre chapeautées et  sous les ombrelles, le soleil est l’ennemi, le hâle est banni, la blancheur étant la règle, et l’évanouissement n’est pas loin!   
Le silence, la torpeur s’invitent dans la toile. Pas un souffle d’air, pas une ride sur l’eau. L’œil se déplace sur la toile accrochée dans une salle climatisée. Sans faire de bruit, le regard glisse, rien de l’accroche, sauf un petit chien roulé en boule dans le dos de son maître, comme une présence incongrue. Et la chaleur s’insinue dans la rétine du passager clandestin, voyeur dans un instant que rien ne trouble.