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Ce matin du 25 avril 2022, tous les journaux du kiosque portaient le même titre : « LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL ANNULE L’ÉLECTION PRÉSIDENTIELLE !»

Je m’en souviens bien, j’étais pas complètement bourré ce matin là. C’était écrit partout !

Y’avait donc bien des élections avant… Ils nous disent que ça a jamais existé, que c’est comme un truc chimérique qu’on a toujours rêvé et qui faut nous en protéger… C’est pour ça qu’ils ont fait le Conseil Suprême, celui qui remplace tous les autres ; et les élections aussi… Mais ça, ils le disent pas. Toutes façons y z’ont raison :  « Le drame du cocu, c’est le drame de l’homme : la connaissance.» Y a rien de pire que la connaissance ! Ça t’écrase les neurones, ça te fouille dans le ventre, la connaissance. C’est comme un virus : quand elle te prend, elle te lâche plus. Celui qui a connu sera plus jamais vierge. Et ça s’efface pas ! Indélébile, la connaissance !

« Calme-toi, ils te regardent… Tu vas encore prendre une dose, que j’me dis… Fais gaffe… Le vieux là, surtout lui… avec son chapeau rose, ses basquettes bleues et ses lunettes dorées… C’en est un, c’est sûr. Baisse les yeux. Ferme ta bouche, regarde tes pieds. Essaie de couler en douce sur le côté… Tu vas y échapper. Tu vas réussir aujourd’hui… tu y es presque…AAAOU !! Nan, c’est pas vrai ! Mais c’est des grands malades ! J’ai rien fait, j’ai rien dit ! Comment peuvent-ils savoir ? Et pourquoi toujours la même épaule, hein !? Pourquoi toujours la gauche ? Ça y est, ils s’approchent, ils m’encerclent… La grande lessive va commencer. Les sourires, les caresses, les langues pleines de bave et les berceuses… »

Je me laisse aller. Je m’abandonne. Je pense très fort que je ne veux plus être différent. Ils vont l’entendre, je le sens. Gagner encore un jour… Une toute petite journée. Même sans liberté. Même sans savoir. Même sans espoir… Surtout sans espoir. Mais c’est dur, parce qu’elle est là, dans le groupe. Et c’est pas gagné car elle aussi s’approche. Ses vibrations… et son corps, son odeur, sa douceur…

J’essaie quand même de la toucher avant d’étouffer. C’est foutu. Ils m’ont compressé. Encore une journée perdue… Une tentative échouée, avortée, lessivée. Mais j’men fous parce que demain j’essaierai encore… Et j’essaierai tant qu’ils m’auront pas recyclé !

 

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