Me demander mon histoire ? Vous vous trompez, cela n’a rien d’intéressant, je ne suis qu’un petit bout de papier, un tout petit bout de papier, de ceux qu’on jette toujours après usage. Le seul mérite du ticket de cinéma est de donner accès à la bonne séance, ensuite nous disparaissons dans les profondeurs d’un sac ou d’une poche en compagnie de pièces de monnaies, d’où nous ne ressortons que pour finir à la poubelle… en règle générale.

C’est vrai que moi, j’ai eu plus de chance. C’était la semaine dernière, un vendredi pluvieux et bien gris, jour propice à se réfugier dans une salle obscure pour ne plus voir la tristesse du ciel. J’ai permis à Pauline d’accéder à la salle où passait la dernière comédie romantique, sortie de l’imagination fertile d’un réalisateur anglais et interprétée par le couple glamour du moment, tout ce qu’elle aime avec son côté fleur bleue. Ensuite, euh… je ne peux rien vous dire, je n’ai rien vu, j’étais au fond de son sac à main. Mais quand elle est rentrée chez elle, elle m’a recherché avec fébrilité, comme si j’étais un billet gagnant du loto. Elle m’a un peu défroissé, m’a regardé avec intensité et m’a embrassé, si, si, vous avez bien entendu. Je ne m’y attendais pas, je suis devenu cramoisi ! D’accord c’était à cause de son rouge à lèvres, mais tout de même, maintenant je porte la courbe de ses lèvres finement dessinée, ça me donne un petit air Andy Warhol, je finirai peut-être encadré ! Oui vous avez raison j’exagère sûrement. En tous cas depuis, elle m’a fait une place de choix dans son porte-cartes, à l’angle de la pochette principale au côté de sa pièce d’identité. Je crois qu’elle retourne au cinéma dimanche, mais cette fois-ci elle a rendez-vous avec Charles, celui qu’elle a rencontré vendredi dernier. C’était un jour pluvieux…

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