Bernard-Kévin Grobois, malgré son patronyme qui l’entrave un tant soit peu, est poète. Né d’une cascadeuse frivole et d’un bûcheron sensible, il est arrivé dans la vie comme une épaisse météorite, éblouissant, explosif, infrangible autant qu’étrange.
J.K a embrassé sa carrière poétique assez tardivement et osons le dire, un peu par erreur. L’aversion mal dissimulée envers tout effort physique l’a porté vers les livres, pour s’y accouder, s’y assoupir, y ronfler copieusement entre deux pages, plus que pour plonger de tout cœur dans la cascade des lettres. A l’ivresse des mots il préférait toujours la sirupeuse tentation d’un goûter colossal, se révélant aussi gourmand qu’il était paresseux.
Afin de donner le change, pour ne pas paraître inutile tout à fait, il s’essaya à dire quelques vers, une fois à son miroir, une autre dans son bain. Une main sur la hanche, serviette en accessoire, il clama bientôt un peu plus fort, sur son balcon peut-être, on ne se souvient pas bien.
Il se déhanchait mieux qu’il ne glosait. Il accordait à son vêtement une tendresse plus vaste qu’à son esprit. Le barbon qu’il était ne pouvait pas prévoir qu’il serait si visible.
Cependant, et bien malgré lui, sa langueur naturelle, son flegme un peu latin, son œil mi-clos au sortir d’une sieste dans la tiède ambiance d’un sauna, faisaient naître une rumeur dans son entourage, et bientôt dans les interstices de la ville entière.
On chuchotait que ses paroles revêtaient un sens profond, bien qu’à l’admettre, surtout entre les lignes.
Il lui arrivait bien de murmurer quelques mots en effet, à l’occasion, dans l’amas entassé d’un cinéma, dans une foule bigarrée de bruits et de mouvements. Rien qui ne soit audible pourtant. Rien qui ne fasse frémir une oreille musicale. Au mieux des borborygmes sans prétention d’intelligence.
Et pourtant…
Quand le monde veut un prophète, quand le peuple appelle son poète, le premier étrange venu peut devenir l’élu. Et ce fut lui, J.K, le marmonneur indolent, qui fut élevé sur un piédestal telle la grenouille sur un escabeau.
Il avait accompli la prodigieuse destinée qu’on inventait pour lui. Il n’eut bientôt qu’à remplir ses silences de mots finement ciselés, ses embarras physiques de postures rêveuses, et ses absences cérébrales de mystiques verbiages.
Les griffonnages qu’il commettait étaient étudiés par les exégètes, digérés, expliqués au tout venant, puis acclamés à tous vents.
Lui qui n’était rien que ventru et insignifiant, devint ainsi l’amant des muses.
Du grand art, Bravo ! Une pensée subtile qui se réalise par l’intelligence de la langue. Dommage que les algomusien-ienne-s l’aient peu remarquée. Voyez-vous, Alsyol, l’Algomuse reste à construire. Appropriez-la vous ! Et comptez sur moi si vous le faites.