Beaux enfants du Mekong, garçonnets pieds-nus en tongs, fillettes en sarongs, vous couriez chaque jour droit vers la grève comme en un étrange rêve.
Vos grands yeux sombres ourlés de cils recourbés semblaient en silence questionner notre occidental monde de manière si profonde…
Le frais soleil armoricain achevait de dorer le brun miel de vos teints et l’air chargé d’embruns perlait délicatement de sel vos visages parfois chagrins.
De vos lèvres encore malhabiles émergeait un nouveau babil subtilement ponctué de notes légères aux accents khmers de la terre de vos pères.
Vous craigniez le moindre chien pour avoir sans doute par trop subi dans les camps ceux des gardiens, et les avions au ciel n’étaient pour vous que porteurs d’horribles nouvelles, étincelles de fer, lueurs meurtrières, folie de la guerre.
Un simple et frêle esquif pouvait, sans qu’on l’ait anticipé, traquer vos plaies les plus à-vif et faire renaître alors l’hystérie collective que vous aviez vécu à bord des rafiots de fortune sur lesquels, entassés, vous aviez entrepris la longue traversée.
Vous aviez pour prénoms Chamroeun, Sothy, Nhean, Sovannar ou Chanlina.
Qu’est-il advenu de vos vies?
Dommage que je ne le sache pas.
merveilleux texte ‘vrai’ sans artifices. On sent votre tristesse. Bravo !
Pour sûr qu’il n’y a pas d’artifice, c’est du vécu, du vrai. Triste? Pensive plutôt, et révoltée contre ce monde de fous qui n’a jamais su donner le meilleur pour ceux qui sont l’avenir de la planète. @melanie chaine, j’ai un peu “poetisé” / généralisé pour ne pas extrapoler. Je sais ce que deux ou trois d’entre eux sont devenus. Ils ont sublimé leur passé. C’est juste aux autres que je pense. Accompagner un enfant, même si ce n’est pas le nôtre, c’est pour la vie, c’est tout un portage dont on sort différent(e) à chaque fois.
Très beau texte qui m’a rappelé certains souvenirs merci
Magnifique. J’imagine le vide laissé par l’absence de ce qu’est leur présent.
Très beau texte, touchant… Y avoir inscrit le prénom des enfants nous fait toucher le réel de cette histoire, merci.