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Byhyho le bedeau

Il y a fort longtemps, un petit village vivait paisiblement au fil des saisons, perdu dans les garrigues de cette belle terre de Provence. La très vieille horloge, orgueil des habitants, rythmait toutes les activités pastorales. Les anciens, eux, préféraient consulter le cadran solaire de la mairie. Leur vie au ralenti ne nécessitait pas une ponctualité !

Lorsque cette grosse horloge tomba en panne, ce fut un grand désordre. Le boulanger ratait ses fournées. Les écoliers arrivaient en retard. Les vaches meuglaient pour appeler les fermiers tant leurs pis étaient gonflés.

Tous se réunirent pour apporter une solution. Seule la vieille Marthe, acariâtre, n’était pas présente. Elle vivait au milieu de ses chats et même… son chat-à-neuf-queues, accroché à la porte d’entrée, toujours prêt pour éloigner les gamins qui aimaient titiller la mauvaise humeur de la vieille.
Après un amphigouri sans intérêt, toutes les têtes se tournèrent vers Byhyho, le bedeau qui occupait déjà fort consciencieusement la fonction de sonneur de cloches.
« dis-donc, bedeau, tu montes déjà dans le clocher, tu pourrais faire sonner les heures puisque personne ne peut réparer notre horloge ! »

Le bedeau accepta et il fut élu Grand Horloger.

La tâche était difficile et contraignante. Le bedeau n’avait plus une minute à lui. Pour le soulager, il fut décidé qu’il ne sonnerait plus les heures de 22 heures à 6 heures le lendemain. (on lui avait enlevé les demi-heures car à peine redescendu, il devait remonter les 78 marches pour sonner l’heure suivante). Le pauvre homme était épuisé. Un matin, perdu dans une rêverie, il sursauta alors que le soleil était déjà haut dans le ciel. Il grimpa si vite dans le clocher qu’il dégringola et se cassa la jambe.

Plus d’horloge ni d’horloger ! Et le désordre reprit ses droits.

Mais les villageois étaient plein de sagesse. Ils s’accommodèrent vite, et tous ensemble, de cette vie décousue mais si reposante. Ils y trouvèrent même un certain agrément, un air de liberté. Ils avaient inventé un nouvel art de vivre : l’ordre dans le désordre avec le soleil et le fil des saisons.

A l’école, les enfants arrivaient sans contrainte d’horaire et prenaient sans rechigner leur fiche de travail. Ils travaillaient à leur rythme. Et le maître, satisfait, soulignait aux parents les bons résultats obtenus. Les maux de ventre ou autres prétextes n’avaient plus cours.

Le pain était mis en rayon… quand il était cuit ! Le boulanger eut l’idée d’installer tables et chaises devant sa boutique, histoire de faire patienter. C’était devenu le rendez-vous du matin devant un petit noir. On consolait le bedeau. Et si la fournée tardait, c’était tant mieux ! : « on a bien le temps !».

Et les vaches attendaient, en meuglant. De toutes façons, elles auraient trouvé mille et une bonnes raisons pour râler.

Quant à la vieille Marthe, l’ombre au tableau, personne n’eut jamais l’idée de lui faire adopter ce nouveau mode de vie. C’était d’avance perte de… temps.

Ne cherchez pas ce village sur une carte. Il existe peut-être encore mais on ne dérange pas les gens heureux.

Vous l’aurez remarqué : le conteur n’a pas donné le nom du village pour préserver sa tranquillité. Seuls les prénoms de la vieille et du bedeau sont cités.

Inscription sur le cadran solaire (merci google) : “Moi sans soleil, vous sans foi, nous ne valons rien”

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