Dans les eaux vaseuses de l’aber Wrac’h, la découverte d’un berceau en bois avait mis les gens du village en émoi. L’inscription gravée dans le hêtre était celle d’une famille de la région, celle du marquis et de la marquise de Coatanscourt. Chacun se remémorait la disparition du bébé de la femme de chambre qui avait officié chez eux pendant de longues années. Les cancans allaient bon train à ce moment-là. Chacun avait son idée sur le père et sur le coupable de l’enlèvement. L’enquête de la gendarmerie n’avait rien donnée et ce bébé, né de père inconnu, n’avait jamais été retrouvé. Certains prétendaient que le marquis l’avait laissé en pension dans une ferme du nord du pays, d’autres affirmaient qu’il l’avait étouffé de ses propres mains avant de s’en débarrasser comme d’un paquet de guenilles.
La jeune Jeanne, maman du nourrisson, avait sombré dans la démence, elle présentait de nombreuses contusions et scarifications lorsqu’elle avait été internée. A sa sortie de l’hôpital elle avait rejoint une communauté de moniales, on ne l’avait plus revue dans le coin.
La découverte de ce petit berceau allait-elle relancer l’enquête ? C’est ce que souhaitait Sezny.
Sezny avait affectueusement été surnommé le barde depuis qu’il avait hérité d’un huchet. Ce drôle de cor qui servait à appeler les gens lui avait donné l’idée de devenir crieur public. Il avait la verve et la faconde pour lire les messages qu’on lui confiait. Il annonçait les naissances et les fiançailles, les dates de foires aux bestiaux, il ajoutait toujours quelques messages romanesques de son cru et désignait les femmes volages ou les voleurs de poules. Il avait été soupçonné de la disparition de l’enfant car tout le monde le savait fou amoureux de Jeanne. La piste soulevée par les gendarmes n’avait rien donnée. Au moment des évènements, Sezny, le barde énamouré, était en tournée et débitait quelques fadaises à l’autre bout du pays. Mais Sezny, le crieur de secrets, n’avait pas que des amis, sa franchise et sa curiosité attisaient la jalousie et la suspicion. Certains auraient aimé qu’on le musèle définitivement.
La fin de cette histoire ne fut donc pas celle attendue par les clabaudeuses et les potineurs du village: un barde bâillonné, ligoté avec son huchet à la plus haute branche du chêne sessile ; le marquis, la marquise et la populace se bâfrant sous l’arbre centenaire autour des tables dressées pour la ripaille et la beuverie.
Whaoo ! (“sublime”, que dire d’autre ? Il y aurait tant à dire qu’un commentaire ici se retournerait contre lui.)
C’est amusant (pour moi) de constater que je travaille ce soir sur “la protection du droit d’auteur” (sur l’Algo) quand vous publiez cette “essence” créative…
Vous renforcez ma détermination. Merci.
(Guillaume)
Je suis particulièrement gâtée avec cet algorare: aber, huchet, barde…trois mots d’origine breto/celtique! C’est une aide pour poser une ambiance.Merci l’Algo!
Courage!
Mais si ce n’est Sezny, qui donc a enlevé l’enfant?( S’il a été enlevé…) et pourquoi ce berceau échoué dans l’aber Wrac’h? Il est évident que le barde n’a pas sa place au pied du grand chêne un soir de festin! Nous ne sommes pas à la fin de l’histoire, c’est certain 😉 quel talent!
Merci Ma Pie, vous posez les problématiques; peut-être en saurons-nous plus bientôt sur le fin mot de l’histoire. Algomuse nous réserve bien des surprises et retournements de situation.