Cancans, potins.
Toujours sur le même banc, à l’ombre généreuse des micocouliers de la place de la mairie de Le Tannos, les trois commères échangeaient leurs indiscrétions glanées ça et là. Œil de lynx et oreille à l’affut servaient à alimenter les après-midi dans leur cercle très fermé des potins.
Suzanne, la plus âgée, qui consacrait tout son temps libre à s’informer pour avoir la primeur des meilleures indiscrétions, était arrivée avec un peu de retard pour s’assurer que son auditoire serait déjà en place pour leur livrer l’inédit. Les deux autres, en panne de nouvelles croustillantes, échangeaient sur météo, tricot, fricot et petits ragots. L’arrivée de l’ainée fit diversion.
– alors ? Quoi de neuf ?
Mais Suzanne n’était pas pressée. Elle savourait l’idée de les faire s’impatienter.
– j’ai bien quelque chose, mais je dois encore vérifier que…
– oh ! Si ! Raconte
– qui veut du feu, doit supporter la fumée !
– qu’est-ce que tu veux dire ?
– celui qui marie femme trop belle risque de la voir s’envoler !
– arrête avec tes grandes phrases, raconte !
– j’y viens ! Cette nuit, j’avais du mal à m’endormir. J’ai sorti ma chaise sur le devant de ma porte pour prendre le frais. Vous ne trouvez pas qu’il fait une chaleur étouffante en ce moment ?
– si ! Mais continue. Et alors ?
– Alors, quand les deux heures ont sonné au clocher, je vis, au bout de la rue, sortir la Jeannette, la femme de l’épicier. Elle était toute pomponnée, perchée sur ses talons. Je me suis dit ‘’tiens, elle aussi a trop chaud’’. Je ne pensais pas à mal. Bon, elle se donne des airs et on ne la voit pas souvent aider à l’épicerie. Elle préfère aller à la ville. Mais elle a le droit de prendre le frais.
– toute habillée à deux heures du matin ?
– comme je vous le dis : je n’avais pas fait ce rapprochement. C’est quand je l’ai vu passer le portillon de la maison du nouvel instituteur que j’ai compris…
– oh ! La la !
– bon, maintenant je vous laisse. Je vais reprendre mon poste devant ma porte. Je dois vérifier si elle va ressortir… A demain.
J’adore! Cela fleure bon la Provence (que je connais pourtant si mal), les commérages sur les bancs au frais le soir. Et puis, qui connaît encore les micocouliers dans cette génération où un arbre est un arbre, un oiseau un oiseau, une fleur une fleur, sans distinction aucune. Merci @melanie chaine, j’ai voyagé grâce à vous.
c’est frais pour le coup! de ces potins à la Pagnol qui font sourire 🙂