Jamais je ne dis “non!” . Jamais d’ailleurs personne ne me demande mon avis . Je suis là, ou ailleurs, que je m’en lasse ou pas n’a aucune importance . J’avale au gré des brouillons ratés, des devoirs mal faits, des déceptions ou des rejets motivés par un égo froissé . J’avale sans mot dire, sans maudire non plus d’ailleurs . J’avale jusqu’à n’en plus pouvoir, en attendant, stoïque, la larme de trop qui fera déborder mon chargement stérile, et précipitera, de colère ou d’angoisse , de peine ou de chagrin, le désespoir naissant dans le gouffre du néant . J’avale quelquefois les ratés d’une plume claudicante ou malade qui cherche une issue honorable et ne la trouve pas , des mots mal assortis, qui comme des couleurs qui jureraient ensemble, se distordent et s’émeuvent de fabriquer du laid , du vulgaire , du sot . J’avale les relents de révolutions lentes qui voudraient s’ériger et faute de panache s’écoulent et font long feu . J’avale des orgueils les blessures avivées, d’âmes trop sensibles qui étouffent le feu d’une ambition masquée sous les flots d’une encre usée qui noircit le papier , sans mérite et sans gloire, anonymes, ignorées . Et quelquefois j’avale, j’avale une pépite, quelques lignes brisées, sans fards et sans éclats : on la jugeait futile,  fragile, inutile , mais elle n’était que sobre, élégante et sincère . Le jour où dans un nuage de fumée, un mégot mal éteint viendrait nous enflammer, il me semble, à moi, que seule cette pépite s’envolerait, intacte , et survivrait, ailleurs .

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