CHATIMENT @payette

CHATIMENT

– Dis donc la règle tu n’as pas l’air dans ton assiette ?

– Ne m’en parles pas cahier de présences, je suis horrifiée et j’ai honte, je ne sais plus où me mettre.

– C’est à cause de la nouvelle, hein ! Une drôle celle –ci !

– Tu l’as bien dit, squelette, une horreur, mais bon règle tu n’es pas responsable. 

– C’est vrai, ce n’est qu’une lointaine cousine, que je n’avais jamais rencontrée avant. Mais il n’empêche que je me sens très, très mal.

– Il ne faut pas !

– Voyez-vous, lorsque j’ai pris mes fonctions au sein de l’école, je savais que mon rôle serait de montrer aux enfants des points particuliers, les aider à suivre les démonstrations de l’instituteur, ou de l’institutrice, de tirer des traits bien droits sur le cahier de présence, et ceux des enfants. Enfin d’avoir une vraie utilité dans l’enseignement. Je pensais que nous étions toutes destinées à cela. C’est très valorisant vous savez de participer à l’éveil des petits. Lorsque je l’ai vu arriver, j’ai tout de suite pensé qu’elle ferait la même chose en passant de bureau en bureau.

– Hou, tu t’es pris un coup derrière les oreilles !

– N’insistes pas squelette, moi aussi je pensais comme règle.

– Merci cahier. Oui, et bien j’en suis revenue, elle est méchante, hargneuse, une vraie teigne. Je n’arrive pas à le croire !

– Et vous avez remarqué, même le maître a changé !

– Oui ! Avant je le voyais arriver, habillé de son jean et de chemises ou de pulls de couleur, mais là, depuis quelques temps c’est blouse grise. Et il ne me donne même plus une tape sur le crâne. Cela me manque son « salut Victor ».

– Il est devenu tout gris. Et puis il ne rit plus comme avant lorsque les enfants disent une bêtise.

– C’est bizarre tout ça. Et figurez-vous que le l’ai surpris à taper sur le bout des doigts, sur les fesses, ou sur la tête des enfants. Une cousine fabriquée pour donner des coups : Je n’arrive pas à le croire, cela dépasse l’imagination, c’est un réel déshonneur !

– Elle a dû l’ensorceler, ou elle est ensorcelée, c’est aussi une possibilité.

– Ou elle est sado-maso !

– Squelette, nous sommes dans une école, voyons !

– Ho ! Vous chipotez, mais cela existe, elle lui a peut-être fait des trucs ?

– Dis-moi, que faisais-tu dans ta vie avant ?

– J’étais videur dans un club X, mais ce n’est pas une raison !

– C’est l’expert qui parle ! Puff !

– Ce n’est pas normal tout ça, il faut faire quelque chose.

– Il faudrait qu’elle se casse ! Au propre comme au figuré.

– Si on essayait le subliminal !

– La craie s’en mêle maintenant !

– Oui. Lorsque le maître est seul, et qu’il est au tableau, au lieu des mots qu’il doit écrire, j’écris jette la règle.

– Il ne saura pas laquelle c’est !

– Jette la petite règle alors !

– Oui, et moi, je me planque, pendant ce temps.

-Dans mes bras !

– Ca suffit squelette! Tu n’es pas transparent, mais c’est tout comme !

– Il y a peut-être plus simple, non, le soir il l’emporte avec lui, c’est peut-être la nuit qu’elle agit. Donc, il ne faut pas qu’il l’emmène dans son cartable.

– Ca je peux le faire, son cartable est juste sous mes phalanges, je l’a prends et hop ! Qu’est-ce que j’en fais ?

– Tu me l’envoie.

– Tiens tu es là aussi chiffon du tableau !

– Gr, humm, oui, un peu enroué, il ne m’a même pas secoué aujourd’hui. Cette petite règle est une calamité. Vous avez vu la tête des enfants depuis qu’elle est arrivée ?

– Non, j’ai une idée, je l’a grignote .

– Oui, merci hamster.

– Il suffit que squelette ouvre la cage à la récréation, et je lui fais ça fête, moi ! Quelques coups de dents bien senti, et adieu !

– Fais attention, elle risque d’aimer !

– Squelette !!

Quelques jours plus tard, l’instituteur avait retrouvé ses jeans, ses chemises et pulls de couleur. Plus de blouse grise, plus de règle frappante. Il ne comprit  jamais ce qui l’avait pris, depuis qu’il avait trouvé cette jolie règle en bois dans une brocante, il lui avait semblé ne plus être maître de sa vie.