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-” Vous n’en finissez pas de vous plaindre de tout et de rien . Que n’êtes-vous comme nous soumis aux aléas de la vie sans jamais rechigner, que n’êtes-vous toujours disposés à quelque défi d’élégance ou quelque prouesse sportive, sans avoir l’air d’y toucher, sans clamer haut et fort qu’il vous a fallu tant d’efforts pour y parvenir et sans attendre l’approbation de vos semblables pour vous réchauffer le coeur et vous donner de nouvelles raisons de vous surpasser .

Piètre exemple que celui de vos efforts constants, pauvres humains, pour vous faire remarquer . 

Nous, les chats, sans fournir le moindre effort et sans chercher l’approbation ni dans l’oeil de nos semblables ni dans le vôtre, allions pourtant l’élégance de chacun de nos gestes à la discrétion de notre présence, à la douceur de nos manières, à la souplesse , à la force, à la conviction de chacune de nos initiatives . Point n’est besoin  de nous mirer dans ces glaces que vous disposez de telle sorte que, du matin au soir, vous puissiez vous apprécier du regard ou critiquer votre mauvaise mine en accusant la fatigue de vos journées éprouvantes . Point n’est besoin de nous peinturlurer le visage, de nous décorer les ongles, de passer des heures à soigner notre apparence afin de  paraître autres que nous sommes, afin de faire coïncider jusqu’à l’absurde qui nous sommes et qui nous voulons être . Point n’est besoin de nous pavaner dans de bonnes grosses voitures à la carrosserie clinquante , d’écouter bien fort une musique quelconque , de nous assommer à coups de basse lugubres et de sonorités trépidantes et tintinabulantes sensées nous ressembler…Quelle pitié de vous voir ainsi gaspiller le temps précieux, notre lot commun à vous les humains, à nous les chats, que vous gaspillez à loisir tandis que nous en jouissons, jusqu’à vous exploiter, pauvres esclaves apeurés qui nous nourrissez pourtant, et nous caressez souvent . ” Ce discours, mon chat me le tenait tandis que je le flattais après une journée de travail éreintante . Je venais de convaincre un client d’acheter le dernier modèle d’une voiture dont les lignes vulgaires et la couleur tape à l’oeil me révulsaient moi-même . Il n’avait pas été bien difficile à convaincre : il avait suffi que je lui prouve à quel point la possession de cet objet allait le distinguer de la masse rampante de ses semblables, et combien de jaloux et d’envieux le simple fait de s’exhiber dans sa nouvelle acquisition ferait de lui un être à part, susceptible d’attirer tous les dieux de la réussite, de faire tomber en pâmoison des femmes soudain chavirées par le charme irrésistible du possesseur d’un tel engin .

Il me fallait , pour me retrouver à ma juste place d’humain , le discours quelque peu méprisant de mon compagnon , de cette dose de mépris qui parfois aide, un peu à vivre, nous rétablit dans des perspectives plus mesurées, plus posées, plus harmonieuses, et plus sages aussi . ” – Tu as raison, mon ami . je vais prendre un bon roman pendant que tu ronronneras pour me faire oublier les vicissitudes de ce théâtre . – Eh oui, me répondit-il, ainsi soit-il .”

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