Je me souviens, j’avais 5 ans et j’aimais « faire la brouette ». Ce jeu consistait à se mettre à quatre pattes, à demander à un adulte de nous soulever et tenir les jambes au niveau des chevilles et alors on avançait avec les mains.

Oui, je sais, cela peut paraître un peu idiot, mais j’aimais bien cela, comme les roulades, faire l’équilibre ou la roue. J’avais besoin de m’ancrer à la terre avec les mains.

 

Je me souviens j’avais 40 ans et les deux pieds bien ancrés au sol. Je me souviens de cette brouette à l’air oublié avec son tas d’herbes sèches dans l’allée du jardin. J’avais trouvé qu’une photo en noir et blanc lui irait bien. J’avais raison.

 

Je me souviens, il avait 84 ans et c’était son anniversaire. Nous étions nombreux dans la salle quand il a reçu sa brouette en cadeau. Il semblait heureux, elle semblait triste. Quel avenir commun partageront-ils se demandait-elle ?

Aujourd’hui abandonnée dans un coin du jardin, non loin du petit chien triste et enfermé dans son enclos mal foutu, ils pleurent tous les deux leur maître. Elle en silence, lui parfois à la mort.

 

Je me souviens, c’était la semaine dernière, j’ai croisé notre voisin qui revenait tout juste des courses avec une brouette et une piscine en kit pour les enfants. Les cocottes en chantaient de bonheur et j’ai ressenti un immense sourire dans tout mon corps.

 

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