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     Il était une fois une jeune bergère qui élevait son troupeau de chèvres dans un minuscule coin de campagne verdoyante. Pour offrir à ses biquettes les meilleurs endroits de pâturages, elle n’hésitait pas à traverser le petit village jusqu’à la vallée de Mucythe. Cet été, le cirque Barnie avait installé son chapiteau bariolé sur la place de l’église et les fanions multicolores clapotaient dans la tendre brise. Les chèvres, en transit, guidée par la petite bergère firent une halte et jetèrent un œil curieux à l’intérieur de la majestueuse tente. Elles furent toutes ébaudies en voyant les circassiens faire leurs gammes sur les trapèzes, sur les ballons obèses ou sur les fils de fer tendus. À contrecœur, mais les têtes animées de rêves grandioses, elles repartirent traînant du sabot vers les prairies.
     Le jour de l’inauguration, tous les villageois se précipitèrent vers les estrades en bois brut qui encerclaient la piste. La petite bergère eut du mal à trouver place pour elle et ses chèvres qui s’étaient entêtées à la suivre. Les étoiles scintillaient autant sur les costumes chamarrés des artistes que dans les yeux brillants des chevrettes émerveillées.
     L’herbe semblait plus fade, le soleil moins vigoureux et le sol du chemin des prairies plus rocailleux et plus âpre depuis le départ de la joyeuse troupe du cirque Barnie. La place du village était morne et morose, les villageois avaient perdu le goût de l’entreprise et de l’altruisme. La plus jeune des chèvres proposa à ses amies caprines de faire de la bergerie un temple dédié au cirque. Le projet insensé et le frisson de l’aventure coururent sur les échines, rebondirent entre les cornes recourbées et s’installèrent définitivement dans les longues barbiches des chèvres ragaillardies. 
     Elles choisirent chacune de travailler un numéro de leur choix selon leur compétence, leur souplesse, leur vivacité et leur intrépidité. Contorsionniste, fildefériste, prestidigitatrice, voltigeuse, musicienne, acrobate se succédèrent sur les pelouses rasées devant la bergerie. La bergère, lasse de traire ses chèvres et de retourner la rondeur de ses fromages joufflus, embrassa enthousiaste la proposition et apporta son aide pour élaborer les programmes et les invitations. Un huissier de passage dans le conte enregistra et valida la performance de la jeune Blanchette, contorsionniste élastique, qui tint pendant 60 secondes la position du fakir.

     Ravis, les habitants de la petite communauté rurale congratulèrent et applaudirent le troupeau de petites chèvres pour leur performance et l’élégance du spectacle.

     C’est depuis ce jour-là que nous voyons de grands troupeaux de chèvres traverser, comme un seul caprin, les étendues d’herbes et de luzerne se précipitant et se bousculant; c’est l’heure de la répétition !

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