Courrier du cœur

Ma journée avait été terriblement éprouvante. Cette pimbêche de cheffe de service avec son petit tailleur gris souris n’avait pas arrêté de me faire des observations désobligeantes.
Bien installée sur mon canapé, je parcourais négligemment un magazine féminin.
Après avoir survolé les sempiternelles recommandations en cette période estivale pour retrouver la ligne, réussir à coup sûr ses pissaladières, la méthode pour trouver l’homme idéal ou bien comment dénicher la meilleure location de vacances au meilleur prix, je me jetai sur le croustillant courrier du cœur :

« Ah, comme j’aimerais voir rejaillir en moi ces émotions brutes que j’éprouvais dans ma jeunesse ! Dussé-je… »

– Je t’arrête tout de suite, ma poulette, il ne fallait pas en sortir, tout simplement !

« dussé-je abandonner tous mes biens »

– nous y voilà ! Tu as passé ta vie à consommer et tu te rends enfin compte que ta maison est totalement encombrée de choses inutiles et futiles. Le rêve, ma chère, ça ne s’achète pas, tu as oublié le rêve, les émotions primaires, brutes comme tu le dis si bien. Je suis sûre que tu as un bon mari, bonne situation, bon genre, deux enfants, un chien, que tu gères cette maisonnée de main experte et que tu te pâmes dans une monotonie entrecoupée de prises de prozac. Tu nous ferais pas une petite dépression ?

« et tous ceux que j’aime »

– waouh ! La crise de la quarantaine ! Reprends toi ! Ils ne sont pas responsables de ton malaise. Ce n’est pas en te retrouvant face à toi-même que tu résoudras ton problème existentiel ! C’est du grand art que garder son âme d’enfant. Je crains que ce ne soit trop tard ! Non ?…

♥ « et m’offrir une croisière. »

– irrécupérable …

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