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Héloïse habitait une petite maison, entourée d’un jardin. Elle l’avait choisie quelques années plus tôt en raison de sa situation un peu en dehors de la ville, ce qui lui permettait de vaquer à ses occupations en toute discrétion. Elle l’avait louée à Monsieur Desornières, sous réserve de pouvoir l’acheter après le décès de la mère de celui-ci.

Elle s’était investie dans l’aménagement de cette demeure aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieure. En quelques mois le jardin à l’avant présentait des parterres fleuris disséminés sur une pelouse parfaitement tondue, tandis qu’à l’arrière une tonnelle ombragée par une glycine laissait apercevoir un jardin où simples et légumes se côtoyaient. Le seul point négatif était les coassements des grenouilles le soir au fond du puits, mais ceux-ci disparaissent au bout de quelques jours de l’avis des voisins. Voisins par ailleurs interloqués sur la vitesse à laquelle les travaux avaient été effectués, et encore plus devant la rapidité à laquelle les jardins avaient vu le jour, et la glycine poussée. Mais Héloïse était une voisine charmante. Ils regrettaient toutefois de ne jamais avoir pénétré dans la maison. Ils auraient été fort surpris, si le salon et la salle à manger semblaient tout à fait convenables, la cuisine était curieusement équipée de bocaux divers, de cornues et autres instruments.

Tous les mois Monsieur Désornières venait encaisser le loyer, qu’Héloïse payait rubis sur l’ongle. Tout était bien dans le meilleur des mondes.

La mère de son propriétaire vient à décéder. « Enfin » pensa Héloïse, chassant cette pensée négative d’un geste de la main. Elle fit brûler quelques feuilles de sauge, en espérant que son propriétaire tiendrait sa parole et lui vendrait la maison prochainement.

Un mois, puis deux, enfin trois passèrent. Héloïse se dit tout d’abord que la succession devait être difficile à régler, ce que lui confirma Monsieur Désornières. Toutefois elle ne put d’empêcher de trouver cela louche. Il s’installait sous la glycine, et lisait son journal. Elle mit cette attitude sur le compte du deuil, puis finit par la trouver agaçante, surtout qu’il prenait ses aises et venait maintenant un jour sur deux. De « le pauvre homme » elle en était venue  «  encore lui » et commença à se dire qu’il était temps de réagir.

Un matin, alors que son propriétaire arrivait, et qu’elle n’avait pas trouvé de limace dans son jardin, elle l’apostropha vivement :

  • Eh bien, Monsieur Désornières n’avez-vous rien à faire d’autre que venir lire votre journal ?
  • Ma foi, je ne sais pas, l’endroit est charmant et je m’y sens bien.
  • Est-ce une raison suffisante pour vous tourne les pouces ! Vous n’avez pas l’air de faire grand-chose de vos journées.
  • Détrompez-vois je lis, je contemple votre jardin, je respire.
  • Est-ce les problèmes liés à la succession de votre mère qui vous mettent dans cet état ?
  • Oh non ! Celle-ci est réglée, ma mère avait fait le nécessaire de son vivant.
  • Donc plus rien ne s’oppose à ce que vous me vendiez cette maison, comme convenu !
  • C’est que voyez-vous …
  • Allez-vous revenir sur votre parole ?
  • J’ai réfléchi…

Héloïse senti la colère montée, à la même vitesse qu’elle fouettait ses œufs de corbeaux.

  • Voyez-vous je suis seul, maintenant, maman n’est plus là ! Il me semble que vous aussi n’avez personne dans votre vie. Pourrions-nous envisager…

Monsieur Désornières ne finit jamais sa phrase de manière intelligible. Elle se termina dans un croassement sinistre au fond du puits.

Héloïse conserva la maison. Un acte de donation en bonne et due forme étant parvenu à l’étude notariale, accompagné d’un courrier indiquant qu’il était parti s’installer avec une petite grenouille fort charmante. Cette mention laissa le notaire pensif.

 

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