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Ma belle,

Je sais que je t’ai déjà écrit hier mais je te réécris aujourd’hui. Pour une autre raison. Parce que, dans quelques jours il y a 22 ans, je vais accoucher de toi. Parce que maintenant, en ce moment, il y a 22 ans, tu es encore dans mon giron et que je ressens ta présence. Plus que jamais. Mon ventre est démesurément gonflé et tendu. Je ne peux plus toucher mes pieds facilement et je ne sais absolument plus comment m’asseoir. Je ne cesse de chercher la position idéale, qui ne dure chaque fois pas plus de cinq minutes.

C’est inconfortable et, en même temps, dans le cycle de la vie. Alors, pas si gênant que ça. D’autant plus que je sais que cela va bientôt s’arrêter. Et j’en ai par avance une sorte de nostalgie. Vingt-deux ans plus tard, j’en ai une vraie nostalgie. Je reviens dans ce jardin du val d’Oise, lilas et muguet, arbres en jeunes feuilles, terre chaude et ciel clair. Ce lieu verdoyant dans lequel j’ai passé la dernière semaine à attendre que tu te décides.

Tu bouges de plus en plus. Tout à l’intérieur est rempli. Quand je te parle et m’amuse à te faire venir dans ma main, tu glisses comme une bulle sur la paroi interne de mon ventre. Une bulle attirée par sa maman, c’est flatteur. Une bulle qui a déjà son caractère et qui prend ses aises pour exprimer sa forme, c’est très bien.

Je sais que tu es là, bien vivante ; tu réponds déjà à ce si beau prénom dont j’ai choisi les lettres avec soin. Qu’il existe déjà ou pas m’importe peu. Il est pour moi synonyme de soleil, de renouveau et de liberté. Il est un prénom débordant de l’énergie de l’astre solaire et tu pourras le porter à tous les âges ; il vieillira parfaitement avec toi. Et j’aurais le plaisir de le répéter vingt fois par jour en m’émerveillant chaque fois de sa sonorité et de la légèreté qu’il émane.

Je savais instinctivement que tu serais une fille. Pas besoin de vérifier. Elle arrive bientôt. Quelle joie ! Tu seras bientôt dans mes bras. C’est passé, déjà. Et tu es encore là. J’ai la trace de ta présence de bébé. Une trace qui devient un battement intérieur tous les ans à la même époque et qui me ramène à la sensation étonnante, parce que délicate et nouvelle, de porter un nourrisson confiant dans les bras.

Ma jolie belle, ma sœur (nous l’avons été, j’en suis sûre aussi), je ne me lasse pas d’être ta maman et de t’accompagner sur ta route. Je te souhaite une arrivée confortable et un chemin passionnant ! Suis avec toi jusqu’à mon éternité.

Maman

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