Il était midi ; aujourd’hui, les maisons avaient leurs volets fermés. A l’intérieur des murs de pierres, la température restait acceptable en ce début septembre caniculaire. Après le déjeuner, les anciens pouvaient apprécier une petite sieste grâce à la fraicheur ambiante maintenue. A l’extérieur, les toits d’ardoises blanchis par l’écrasante chaleur tentaient encore de ne pas s’écrouler.
Après l’assaut des pluies diluviennes du printemps, les faîtages du siècle dernier s’étaient affaissés et les lauzes* du toit bien alignées s’étaient fendues sur plusieurs rangs. Les villageois savoyards, inquiets de voir leur patrimoine menacé, avaient dû entreprendre des travaux d’envergure après consultation des architectes spécialisés du secteur.
Malheureusement, les personnes âgées ne voulaient pas quitter leurs demeures du début du vingtième siècle ! Leurs enfants, conscients des dangers à venir, essayaient de maintenir les bâtisses en état. Ménager les susceptibilités et préserver un équilibre affectif parait vital dans l’instant.
Néanmoins, une angoisse croissante étreint le cœur de chacun face à ces grands-parents dont le caractère montagnard bien trempé annonce de prochaines discussions animées : parvenir à responsabiliser ces derniers envers les risques climatiques sévères qui pèsent sur « Leur Chère Montagne » semble compliqué. Les prémices d’une résistance obstinée face au sujet apparaissent.
Enfants et petits-enfants, intérieurement déchirés, vont devoir bouleverser leur vie et leurs habitudes sans ménagement :
Insuffler la volonté de quitter cette région d’altitude exposée aux glissements de terrain, aux avalanches, à la sécheresse prolongée. Dissuader le vieux pêcheur aguerri d’aller taquiner l’omble chevalier qui n‘a pas survécu à l’assèchement du lac d’altitude. Eloigner l’envie aux vieilles marcheuses intrépides de gravir les rochers pour cueillir gentianes et bleuets aux vertus thérapeutiques spécifiques. Interdire à l’aïeul fragile de grimper plus haut, bâtons de marche et jumelles en mains, pour apercevoir les animaux réfugiés à des altitudes inhabituelles ! Le frêle éterlou* agile au pied du rocher, les cornes imposantes d’un bouquetin dominant la paroi abrupte, le sifflement strident de la marmotte dressée sur ses pattes, à l’affut de tout intrus à écarter, le chant mélodieux tétras Lyre au plumage luisant sous le rayon matinal. Tous ces animaux qui luttent également pour leur survie !
*Lauzes : pierres plates de schiste plus solides que les ardoises utilisées en montagne pour leur résistance aux intempéries
* Eterlou : Chamois mâle âgé de deux ans
Texte qui nous donne l’ampleur des dégâts à nous, gens d’en bas… A part les glaciers qui fondaient, je n’imaginais pas cet impact sur la montagne. Merci.
Les impacts sont effroyables sur la biodiversité de montagne. Je voulais simplement faire mesurer ces conséquences. Merci Mélanie. Ravie d’avoir touché la sensibilité des habitants plus au sud
Moi non plus, c’est effrayant. Mais j’ai pourtant aimé ce texte qui est tout un voyage pour moi.
Merci pour ce texte. On prend bien conscience du déchirement que provoquent les changements
Merci Zelda . En effet chacun dans notre région respective l’analyse est déchirement !