Classique et dramatique je sais, mais ma vie est une suite de verbes à l’infinitif, laquelle comme son nom peut en être indicatif, me semble incomplète, infinie et imparfaite. Chacune de mes journées commence par des alexandrins, maigre consolation quand on sait le nombre de synérèses et diérèses nécessaires à cette fin. Voyez-vous, le peu d’actions qu’on m’accorde consiste en une suite de vers libres, embrassés ou croisés d’enjambements, jamais plats! Vous comprenez donc que les virgules, sensés indiquer les intermittences du temps, n’existent guère dans cette vie pitoyable, ce qui expliquerait pourquoi même les phrases les plus courtes me semblent longues, si longues. Jamais un point et c’est final me dit-on. 

Vous vous demandez sans doute le sens de toute cette déploration misérable. Comme si moi je pouvais être misérable! Ah ! Hugo s’en révolterait. De plus, contrat social ou pas, Rousseau n’a jamais dit que je n’avais droit qu’à vos souffrances et souvenirs nostalgiques.  Au lieu de cela, vous ferez mieux de pratiquer le stoïcisme comme vous l’a si bien recommandé Zénon. Et au diable que tout cela vous paraisse singulier, irrégulier et baroque !  Dieu seul sait que vous ne recevrez pas la satisfaction de me voir Verlaine. 

Puis de toute facon pour qui vous prenez vous? Oui, vous qui cherchez le symbolisme de tout et feignez d’être réalistes! Non mais vous venez, après chaque pathétique échec romantique, me présenter des cartes et théories de vos crise d’existentialisme sans nul fondement de raison comme dirait les Lumières. Et à chaque fois, sous ces cliquetis de clavier qui manquent souvent de naturalisme, vous me faites part de vos malheurs, lesquels, entre nous sont assez surréalistes. Le pire c’est que vous ne ressentez aucune gêne à me rendre synonyme de vos nombres d’accès et d’excès. Et oui je sais que ce sont des homonymes! N’empêche que je deviens complice de vos secrets indésirables que je suis forcée d’entendre. À contre-coeur bien sûr, mon humanisme ne peut aller aussi loin. 

Voyez-vous, je n’aurai jamais le cœur pour vos lamentations, déjà que j’entends à peine ces propositions muettes que vous partagez avec moi sans usage de prépositions et sans césure et censure quelconque. Et je corrige mais je corrige fautes après fautes, faute à moi! Je vous encourage, je le sais mais que voulez-vous? Je ne suis qu’une simple machine à écrire qui se voit écouler sans écouter des maux et des mots parfois homonymes, derrière ces larmes cachant tant d’abîmes et s’échappant parfois sous forme de rimes. Oh, Chateaubriand s’il était en vie en serait ravi!

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