Dix mots
Pour la première fois, il s’est enhardi à déposer ses mots sur une feuille à grands carreaux.
Tiré, au hasard, yeux bandés, un doigt posé sur le dictionnaire, le mot, le verbe, l’adjectif, ou l’adverbe est installé tout en haut de la page vierge.
Dix mots, dix mots qui ne lui appartiennent pas encore !
Dix mots qu’il va faire siens.
Dix mots qui s’ajouteront à ceux qui foisonnent, dégorgent, prolifèrent en rondes libres telles d’éphémères libellules. Rondes dodues, parfois étriquées, pesantes, souvent têtues.
Incessants, les mots agonisent, rendent l’âme, décroissent, puis s’évanouissent au tréfonds de son âme.
Victorieux, ils reviennent en force. Les rondes alors renaissent, récidivent, réanimées par l’inimaginable envie d’entrevoir ces dix mots posés, là, au fur et à mesure qu’ils se rencontrent. Se croiser en chemin, apprécier leur promiscuité, se délecter de leurs échanges, s’apprivoiser, puis, ensemble, construire une belle histoire.
Leur mère commune, l’imagination, savoure alors, leur élégance. Heureuse de constater que dix mots, choisis au hasard, finissent, par s’accrocher harmonieusement à l’escadron de ceux tapis dans l’ombre.
Dix mots, entrant dans son patrimoine, forment, désormais, l’un des plus beaux récits qu’il s’est, pour la première fois, enhardi à déposer sur une feuille à grands carreaux.
« Prolifèrent en ronde libre telles d éphémères libellules » j adore!
Merci Helleborus
C’est vrai, quel plaisir de jouer avec les mots. Merci à vous deux.
j’ai le merveilleux souvenir d’avoir déjà procédé ainsi pour composer un texte : c’est une pure délectation bonne idée de le rappeler 🙂
“Maman imagination” peut être très fière; c’est un texte qui fonctionne très bien.