Quand on lui parlait du confinement subi brutalement en mars 2020, Margot souriait béatement. Non pas que sa raison ait été impactée par une vicieuse agression du Covid mais parce que, en lui ouvrant un temps inédit à occuper de façon neuve, la pandémie lui avait fait un immense cadeau qu’elle continuait de savourer régulièrement. Tournant en rond dans sa maison, cruellement éloignée des boutiques de mode dont elle faisait grande consommation, elle avait jeté son dévolu sur l’antique machine à coudre de sa grand-mère qui, elle en fut toute surprise, fonctionnait toujours parfaitement. Au début, la période lui en donnant le motif, elle avait renoué avec les bribes restantes d’un vague enseignement de couture du temps de sa scolarité chez les sœurs en confectionnant quelques masques bariolés dont elle ne sut rapidement que faire. Fouillant au beau milieu d’un fatras de restes de tissus et de bobines de fil de couleurs variées conservés dans une mallette en rotin – autre héritage de sa mamie – elle tomba sur un exemplaire du Petit Écho de la Mode des années 50. La consultation de l’antique publication aux couleurs défraichies et au style suranné eut l’effet d’une révélation. Elle plongea avec délice dans cette mode d’après-guerre où chaque robe lui rappelait quelque star hollywoodienne de l’époque. Puis trouvant une petite ressemblance entre ce temps passé et les privations auxquelles l’aujourd’hui la contraignait, elle se dit alors qu’elle allait tirer parti, autant que possible, de tous les anciens vêtements dont elle n’avait su se séparer, des draps ou rideaux troués ou déchirés mais pas complètement morts pour une adepte du recyclage et qui pour une raison étrange squattaient toujours son grenier.

Les semaines de réclusion furent alors bien employées à une frénésie de créations toutes plus folles les unes que les autres, une sorte de rodage pour une passion qui avait pris corps. Quand la vie reprit un cours plus habituel, que les magasins furent enfin accessibles, la tête pleine de nouveaux projets elle acheta patrons et tissus neufs et réorganisa son bureau en atelier de cousette. Au-dessus du plan de travail elle accrocha le numéro du catalogue de mode soigneusement encadré en hommage à sa grand-mère qu’elle avait peu connu et qu’elle imaginait en robe rouge virevoltante évasée et ceinturée comme la femme qui figurait en couverture.

3
0
L'auteur-trice aimerait avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x