La Mairie était située dans le bâtiment adjacent à l’école et pour y accéder le plus court chemin était de traverser la cour. Je poussai donc le portail qui grinça, musique aigrelette qui m’expédia illico au temps de mes jeunes années, le parfum douceâtre des tilleuls en fleurs accentua un peu plus encore mon voyage temporel et une multitude de souvenirs d’enfance se pressèrent alors à ma mémoire. Secouant la tête et pressant le pas je décidai de me concentrer sur mon objectif présent, interroger le maire. Son deuxième mandat en cours était consécutif à une longue carrière bien remplie d’instituteur au service des enfants de la commune, dont moi soit dit en passant. Les deux activités cumulées avaient fait de lui le meilleur connaisseur des habitants du canton et, hormis les secrets de confession, il savait à peu près tout des familles et de leurs histoires publiques et privées. Je croisai Jean avant même d’avoir atteint son bureau.
– Fred ! Je ne me trompe pas, n’est-ce pas ? Bien que tu sois parti d’ici très jeune, je te reconnais bien, tu ne peux pas renier ton grand-père à qui tu ressembles comme deux gouttes d’eau au même âge.
– Je suis bien heureux de vous revoir, les occasions de revenir au pays ont été très rares pour moi depuis presque vingt ans maintenant.
L’heure du déjeuner approchant, Jean trop heureux de l’occasion m’invita à prendre l’apéritif… au café de la Mairie bien sûr. Notre échange continua sur le mode “c’était le bon vieux temps” jusqu’à ce que j’arrive à orienter la conversation sur le sujet qui m’intéressait.
– La Belle de l’Express, comme on dit ici ? Pauvre femme, sa fidélité à un fantôme a fait d’elle une ombre… si belle, mais si triste… Elle s’était fiancée à l’automne 56 à Tristan, le fils de la baronne, le mariage était prévu pour l’été 57 mais la guerre d’Algérie l’a rattrapé et il a été envoyé là-bas… C’était juste avant la bataille d’Alger, on en a tellement parlé, je m’en souviens bien. Et les années ont passé, la baronne avait des nouvelles, rarement, mais enfin de quoi tenir le coup en attendant le retour et puis plus rien, comme ça sans prévenir. Je crois que la dernière lettre date de mars 60, c’est curieux d’ailleurs… dans ce courrier il parait qu’il avait glissé quelques myosotis. Sais-tu que l’autre nom de ces fleurs est ne-m’oubliez-pas ?
En gare est peut-être en train (sans jeu de mot) de devenir mon livre de chevet.
la suite !!!!
J’aime beaucoup. Il me faudra un peu de temps… (un autre programme demain…) Je trouve que nos “points de vue” sont très complémentaires. Vous recadrez le narrateur dans son intériorité quand je me débattais déjà dans sa “captation” par son environnement. J’aimerais pouvoir écrire ce que vous écrivez. (J’expliquerai mieux au fil de l’eau…). Très impatient de continuer… 😉