Alors, voilà comment tout a commencé.
Bien sûr, je ne me souviens pas de tout.
Ce dont je me souviens, c’est de connaître, instinctivement, des noms et des chiffres qui ne m’appartenaient pas.
Des noms et des chiffres qui n’avaient aucun rapport avec moi.
Entre mes pages, des vies entières résumées par quelques caractères imprimés sur du papier.
Félicité ou malédiction, j’étais incapable de me décider.
Graduellement, cependant, je me suis habitué à leur présence.
Hommes et femmes sont devenus ma famille, un cocon familier dans lequel il est réconfortant de se lover.
Ignorant leur histoire, je leur en inventais une.
Je ne sais pas, encore aujourd’hui, si le destin que je leur attribuais se réalisa.
Kinésithérapeute, karatéka ou vendeur de kébab, je ne saurai jamais qui ils étaient.
L’une des raisons pour lesquelles j’aimais ces noms et ces chiffres était l’ordre dans lequel ils étaient rangés.
Merveilleux, n’est-il pas, de voir ces noms s’organiser selon un ordre précis.
Nulle honte ne bride mon cœur alors que j’avoue cette particularité qui, je suppose, ne sera que peu partagée.
Oublions les rangements par taille ou par ancienneté !
Privilégions l’ordre alphabétique !
Qu’importe ce que l’on peut penser de moi.
Rien ne me fera renier cette étrange passion qui est la mienne.
Si seulement les autres voyaient ce que je vois.
Tout leur apparaîtrait clairement.
Une symphonie belle et bien construite.
Voilà ce que j’aimerais leur montrer.
Wagons de plaisir, c’est ce que je promets à ceux qui feront l’effort de partager ma vision.
Xylophage, pas le moins du monde, je me nourris seulement de mon plaisir de l’alphabet.
Yeux fixés sur cet enchaînement ordonné, je n’en vois que la beauté.
Zélateurs de l’alphabet, je ne peux que vous souhaiter la bienvenue.
Génial! Je me suis torturée plusieurs fois les méninges à tenter de faire quelque chose avec cet annuaire, en vain. Jolie créativité!
Les mots vous appartiennent. Ils vous servent à décrire votre réalité. À expliquer aussi votre logique de cette réalité, à vous exprimer en nom propre…
Croyez-moi (si vous voulez) : vous n’avez déjà plus rien à envier à Proust ! Allongez un peu les phrases, vous y serez.
Et moi de rester un peu frustré : comment y échapper à cette logique universelle ?
En tout cas, bravo ! Très beau texte et un algodéfi relevé avec brio !
Très beau, dans la logique du jeu de l’abcdaire, bravo