« L’erreur est humaine. L’erreur est humaine… » Cette pensée le hantait depuis la veille. Assis dans un vieux fauteuil au rembourrage apparent d’un vert délavé, l’homme éteignit nerveusement son énième cigarette dans une ancienne boîte de thon, faisant office de cendrier improvisé. Il se leva d’un pas incertain et se rendit dans la salle de bain. Là, face au miroir moucheté d’éclaboussures à l’origine douteuse, l’homme fixa son reflet tout en s’appuyant des deux mains sur le rebord du lavabo. Les cheveux sales, le teint cireux ainsi que des cernes violacées étaient les marques d’un esprit tourmenté et d’une succession de nuits blanches qu’il enchaînait depuis plusieurs semaines. Détournant le regard de ce misérable spectacle, l’homme remplit ses mains tremblotantes d’eau froide qu’il se passa vigoureusement sur le visage, dans une tentative désespérée de laver son âme de ses péchés. Tu as commis l’irréparable, Tom, tu ne peux pas fuir tes pensées… « – Tais-toi ! », hurla Tom, « tais-toi, je t’en supplie va-t’en ! », répéta-t-il d’une voix plaintive. Que vas-tu faire, maintenant ? Tu n’as plus rien… elles ne sont plus là … « Ce … ce n’était pas de ma faute… elles… je… c’est toi qui m’as dit de le faire ! », gémit-il entre deux sanglots. Moi… toi… nous ne sommes qu’un, Tom… « Assez ! », cria-t-il en donnant un coup de poing dans le miroir qui, sous l’impact, se brisa. Tom haletait, il sentait son cœur battre dans sa poitrine et ses oreilles siffler, comme après avoir été exposées à un bruit sourd. Il sortit de la salle de bain et se rendit, titubant, dans la cuisine. Il saisit l’une des nombreuses bouteilles d’alcool bon marché, arracha le bouchon de liège avec ses dents et en but avidement le contenant, comme s’il s’agissait du remède à tous ses maux. Il s’essuya la bouche d’un revers de bras, mêlant ainsi le sang qui s’écoulait de sa main à la boisson bordeaux. Du coin de l’œil, il aperçut malgré lui les deux tapis, enroulés sur eux-mêmes, dans un coin de séjour. Il n’y a plus que nous désormais… toi…et moi… pour toujours… La voix faisait comme un écho dans sa tête, probablement en conséquence de la boisson à peine avalée. « L’erreur est humaine, le révérend Parker l’a toujours dit… c’est ce qui nous distingue, nous, les Hommes, de Dieu… Mais tout peut se réparer, il suffit de… il suffit de demander pardon… Dieu est miséricordieux… », répéta Tom en bafouillant, tout en saisissant dans sa main la croix qu’il portait autour du cou. Le pardon n’est octroyé que s’il est sincère…Est-il sincère, Tom … ? continua la voix sur un ton mielleux. Tom se mit à geindre comme un enfant et se laissa tomber, appuyé contre l’un des pieds de la table. Il se laissa ainsi aller pendant un moment puis, s’autorisa à regarder dans le séjour. Toujours sanglotant, il se leva et se dirigea vers les deux tapis. Deux grosses taches d’un rouge foncé avaient marqué les deux tissus de taille différente. Les yeux bouffis par les pleurs et la bouche tirée en une grimace de chagrin et de culpabilité, Tom s’accroupit, se fit une place et s’allongea entre les deux tapis. Un regard sur le plus grand tapis, à sa gauche, puis un à autre à sa droite, sur le plus petit. « Pardon… », murmura-t-il piteusement. Puis, il sortit un objet sombre et métallique de sa poche et comme parlant à une personne invisible, il lança : « Plutôt seul pour l’éternité que pour toujours avec toi ! ». Une détonation retentit, et le silence, enfin, se fit.

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