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Les mots tournoyaient dans le petit matin frais et caracolaient en longues ribambelles colorées. Ils gambadaient insouciants et moqueurs échappant de manière insensée à leur géniteur. L’homme assis à même le trottoir, les pieds dans le caniveau comme au bord d’une rivière, semblait psalmodier une longue litanie sans pause ni fin. L’oreille agacée par ce verbiage prolifique n’y percevait guère un quelconque message, le discours bondissait d’un sujet à l’autre comme un cabri dans la montagne sautant les rochers. Tantôt discussion où tous les rôles lui appartenaient, tantôt conférence au ras du bitume, le flot s’écoulait de l’homme sans réussir à servir des phrases cohérentes aux éventuels voisins de la sphère sonore.

Face à sa page blanche le poète pestait contre ce discutailleur de rue. Ces phrases étranges qui tourbillonnaient et voletaient devant ses fenêtres lui faisaient l’effet d’un nuage de corneilles tenant à distance les légers passereaux délicats de son inspiration. Son cerveau traumatisé par le verbiage pollueur était empêché de toute production. Les vers et les rimes se cachaient, hésitaient à se manifester et quand l’un se hasardait à se poser sur sa feuille, l’écrivain effaré y trouvait des coquilles, fragments éclaboussés du jaillissement extérieur.

Quand le silence s’installa de manière incongrue il suspendit sa plume sur un point d’interrogation et sa respiration dans l’attente d’un mot. Lentement, comme de petits animaux craintifs délivrés du danger, ils revinrent l’un après l’autre et se lovèrent au creux de son esprit pour s’assembler comme des perles en un collier précieux qu’il s’empressa de déposer sur l’écrin de sa page.

La parole s’enfuit et l’écriture demeure !

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