Rien, juste rien, un petit rien impalpable. Un regard, une parole, un geste, et tout s’envole. Vole dans la brise ou la tempête. La nature qui oscille de seconde en seconde. Dans les airs ou au sol. L’âme voyage et passe d’une extrême à l’autre. C’est un cheminement.
Le diable est le cousin de l’honnête homme
Le premier, bien malin, redoutable roublard, s’en prend au second, bien naïf, aimable candide. Un cycle millénaire… Des clins d’œil séducteurs et rassurants, des présents précieux et des promesses faites à l’aveugle. Tout est en place pour la scène de la marionnette.
Le diable glisse un minuscule mais précieux bijou dans la main de l’homme, comme un cadeau : une pierre rouge sang, dure comme un diamant, aux mille facettes, pointes aiguisées. La gemme magique. L’innocent la trouve belle et vivante. Il y croit. Le cœur philosophal ! Ce qu’il pense être son bonheur tout proche…
L’aveugle pense capter la lumière. Il exulte au soleil levant, respire à pleins poumons. C’est le matin et il absorbe l’air frais jusqu’au rire inextinguible et fou. Son corps danse et ses yeux cherchent les cieux, dardant une joie sans âme. Formidables espoirs. Enthousiasmes truqués. Il croit vivre et ne fait que subir.
Malgré ses rires, ce soir, à l’heure des loups, il les versera, ses larmes de désespoir. Il les versera dans la douleur. Parce que Diable, son cousin, lui a joué un vilain tour. Une fois encore. La fleur et le béton. Passe-passe bonheur-malheur.
Mais…
Mais l’honnête homme est aussi le cousin du diable
Le premier, recroquevillé sur le sol de la sombre chapelle, verse des larmes amères, tandis que le second, imbu de lui-même, bombe ses flammes et marche sur l’aveugle meurtri, pour la nième fois depuis des brumes millénaires.
La scène est sombre et désespérée. Le jeune luneux se lamente. Des larmes et des regrets.
L’impuissance face à la fourberie. Ombres saisissantes et pensées de peur. Le cycle infernal reprend, une fois encore.
« Tu es tombé de haut, n’est-ce pas ? De haut… », lui rit le diable, sarcastique. Les mots résonnent sous les voûtes de pierre et renvoient leur écho à l’aveugle… Nuages de l’autre côté des vitraux.
« De haut… » Soudain, le luneux se souvient. L’écho diabolique explose en lui en une rébellion puissante.
Là-haut… L’écho des anges… Les étoiles brillantes, le vaste ciel et les présences aimantes penchées sur lui. Là-haut-l’amour qui flotte, enveloppe et envole… Infimes étincelles à capter. Ses yeux s’ouvrent. Il lève son cœur vers le ciel et ressent l’élan d’amour, l’élan de vie universelle. En haut, en bas, l’unité. La vérité des cœurs. La puissance de la vie, de la volonté qui revient.
L’homme sèche ses larmes, repousse le diable d’un geste sec et se lève. Il pointe son regard devant lui. Tout s’ouvre. Il est lui dans le vaste Tout ; il est tout dans le vaste Lui. Il avance, enveloppé de sourires invisibles et palpables. Un duvet de cygne le frôle, un rayon de soleil le guide.
Plus de diable. Soufflé, désintégré par sa seule force de décision, par l’amour, grandiose et puissant. L’homme marche vers lui-même.
Tout s’envole et dans tous les sens. Sans cesse. Compagnon de la Terre, qui que tu sois, veille à la voie de ton souffle intérieur. Il est toujours, toujours temps de reprendre tes sens et de t’ouvrir à l’amour.