Feux les artifices ?
Il vivait seul, la cinquantaine, en marge de la société. Personne n’a jamais su si c’était elle qui l’avait rejeté, ou bien si lui n’en avait pas voulu. Une rente confortable répondait à son oisiveté et comblait ses caprices les plus fous. La vieille bibliothèque était encombrée de matériels électroniques des plus sophistiqués.
Son œuvre était terminée. Pendant des mois, il avait nourri la machine de ses propres connaissances et émotions, sans avoir eu conscience que lui-même perdait toute réflexion, tout sentiment, à mesure que l’engin, toujours branché au computer, gagnait en autonomie.
Sa demeure se trouvait à l’écart du village. C’est là où policiers et pompiers arrivèrent, alertés par les gens qui n’avaient pas vu l’homme depuis plus d’un mois. Aucun signe de vie. Ils frappèrent à la porte et entrèrent. Tout était éclairé.
L’homme était là, prostré à même le sol dans un coin de la pièce, léthargique, le regard vide, indifférent à cette intrusion. Lui qui pensait augmenter ses capacités intellectuelles, il se trouvait vidé de toute substance.
La créature se tenait debout. Elle sursauta, ses circuits électroniques encore en train de charger. Elle s’alimentait sans relâche. Elle n’avait plus besoin de lui.
Les forces de l’ordre n’avaient jamais vu pareille scène :
– qu’est-ce que c’est ce binz !
– bonjour, de quoi voulez-vous parler ?
– ne t’approche pas…
– bonjour, de quoi voulez-vous parler ?
– bon sang, mais ça parle ce truc !
– je n’ai pas compris. Voulez-vous répéter. Je n’ai pas comp …
– débranche moi ce truc !
Toutes les lumière s’éteignirent.
La créature n’eut pas conscience de sa fin programmée.
Plus frappant qu’un long roman d’anticipation votre texte me plonge dans un abîme de réflexion. Science non maitrisée, répression impulsive, conscience naufragée pour tous…
A la fois balzacien et orwellien, et comme le dit si bien @Angelune : “…plus frappant qu’un roman…”. Tu nous embarques, en quelques lignes, dans une réflexion sur la nature de l’intelligence. Intelligence humaine ? artificielle ? on ne sait plus très bien, c’est très compliqué…
Mais une chose est sûre : c’est plaisir de te lire ! C’est pour moi comme si tu donnais ici raison à Mc Luhand : “Le message c’est le médium”…