Hôtel de Passe

  • Ce sujet contient 9 réponses, 5 participants et a été mis à jour pour la dernière fois par Plantarede, le il y a 1 année.
9 sujets de 1 à 9 (sur un total de 9)
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  • #27069
    Sklaera
    Participant

      L’aveugle, ayant perdu son chien-guide, errait à tâtons, aidé de sa seule canne, dans une ville qui lui était étrangère.

      Croyant avoir enfin retrouvé son hébergement du soir, il entra dans un bar chelou et s’aperçut bien vite de sa bévue.

      Il commanda une bière et s’enquit à haute voix de son chemin.

      Un soiffard, pas plus finaud qu’il ne faut, lui indiqua un hôtel assez voisin.

      Rassuré, il finit paisiblement son demi dans le brouhaha ambiant et prit la sortie de ce trou de rats, ignorant les rires sournois.

      Ayant trouvé sans grande difficulté l’hôtel indiqué, il en poussa la porte pour entendre une voix rauque de tabac lui demander: “Salut beau gosse, ça te dirait une partie de galipettes dans la pièce d’à côté?”
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      #27070
      Sklaera
      Participant

        À vous de jouer, un “cadavre exquis” c’est génial.

         

        #27073
        melanie chaine
        Participant

          La tenancière, derrière son comptoir, n’était plus de la première jeunesse. Elle avait monté sa petite affaire, il y a une dizaine d’année, avec ses copines de l’époque, du temps de leur splendeur. Mais tout passe, et les beautés avaient fané. Gouailleuse et haute en couleur, elle alpaguait le client qui se faisait de plus en plus rare. Son hôtel vivotait avec les quelques habitués de l’époque qui tentaient de raviver les souvenirs de leur jeunesse.
          « Cet aveugle pourrait bien être l’occasion de redonner un peu d’activité aux filles. Sans faire de vilains jeux de mots, il ne serait pas très regardant ! » pensa-t-elle.
          – mets-toi donc à l’aise, on va faire un brin de causette dans le petit salon. Je vais appeler les filles. Ici, on ne fait pas de manières. Qu’est-ce que tu bois ? Un petit remontant ?Tu es tout pâlot ! C’est moi qui régale !
          Et, sans attendre de réponse, elle l’accompagna et l’installa dans un fauteuil de velours rouge un peu râpé par les ans. La pièce était plongée dans une douce lumière. Des spots éclairaient des gravures suggestives, ne laissant aucun doute sur l’activité des lieux. Dans un angle, un énorme bouquet de fleurs artificielles s’ennuyait …

          #28700
          Lillà Berger
          Participant

            Quand “les filles” déboulèrent enfin dans le petit salon, minaudant à qui mieux-mieux, Théodore, notre aveugle, avait déjà sifflé plusieurs coupes d’un mousseux plutôt douteux. Un peu pompette maintenant, il se félicita de l’erreur qui l’avait conduit ici, comptant bien passer un agréable moment aussi inespéré qu’inattendu en fort bonne compagnie. À sa place, d’autres auraient sans doute pris la fuite devant ces visages vieillissants couverts de fards bon marché et ces corps dont les atouts n’en étaient plus depuis longtemps, mais son handicap avait au moins le mérite de lui épargner cette vision. Au contraire, l’excitation qu’il percevait dans leurs voix l’émoustillait, les effluves capiteux des parfums dont elles s’étaient aspergées lui tournaient la tête, ajoutant à sa légère ivresse, et il se serait presque cru au paradis.

            Aussi étonnant que cela puisse paraître, la présence de ce nouveau client intimidait ces professionnelles endurcies. Il était plutôt jeune et assez bien de sa personne, rien à voir avec les sexagénaires bedonnants qui formaient maintenant leur cœur de cible. Elles voletaient autour de lui comme une nuée de midinettes, mais aucune ne parvenait à franchir le pas.

            Une dénommée Irina fut la plus hardie, qui vint lui susurrer une invitation pour le moins explicite à l’oreille. Au moment même où Théodore tendait une main gourmande vers sa nouvelle conquête, un énorme bouvier bernois fit irruption dans la pièce et fonça sur eux.

            — Hector ! Tu m’as retrouvé, s’écria l’aveugle…

            #28710

            — Hector ! Tu m’as retrouvé, s’écria l’aveugle, tendant les bras vers l’avant, paumes grandes ouvertes. Le fidèle compagnon ne put que se ridiculiser un peu en dérapant du train arrière pour stopper sa course folle. Il en heurta même le guéridon de pacotille qui portait le faux vase chinois qui contenait les fleurs en vrai plastique, et le monde bascula brutalement !

            Le vase était cassé. Les filles hurlaient, histériques. Le chien haletait et grognait, chimérique. Mais Théodore, lui, relativisait, stoïque. Sa main caressa l’oreille gauche d’Hector, qu’il souleva délicatement pour se porter ensuite du même mouvement, très lentement, à la position qui lui permit de murmurer à son ami : “Ne t’inquiète pas, tout va bien ici. Dis-moi plutôt comment cela s’est passé avec cette belle malinoise — si j’ai bien compris de ses aboiements — qui t’a rendu assez fou pour m’abandonner, tout à l’heure ? Vois-tu, mon fidèle compagnon, c’est notre soirée “malinoises”, je crois, à toi et moi. Là, calme, calme-toi, calme… Calme…”

            Le chien ne répondant point, les dames s’étant calmées, notre héros comprit très vite qu’il restait, pour un temps, seul en scène. Le silence s’était fait, il écrivait la pièce :
            — Savez-vous, mesdames, ce que me rappelle cette situation ? Vous allez trouver cela bizarre, mais regardez : je vivais à La Crau, pas très loin d’ici comme vous savez, et j’étais presque aveugle, enfin, pas tout à fait quoi… Mais j’avais réussi de me faire octroyer par les services sociaux, le service, justement, d’un auxiliaire de vie. Il aurait vocation à me faire la lecture ! Tout simplement…

            Là où cela s’était un peu compliqué, “à la malinoise” si vous me permettez cette expression bien de chez nous, c’est quand l’auxilaire devint une auxiliaire. Car alors, étant entendu que je choisissais les lectures, me vint à l’esprit que peut-être d’une pierre…

            #28734
            melanie chaine
            Participant

              – … me vint à l’esprit que, peut-être, d’une pierre deux coups, je pourrais mêler littérature et langage des sens pour postures en tous genres.
              Théo, émoustillé par les ‘’filles’’, s’étalait sur ses exploits amoureux avec la belle lectrice, qui, dans un élan de solidarité, disait-il, avait su aller bien au-delà de ses compétences d’auxiliaire de vie. Et Théo se perdait en moult détails croustillants, tout en se laissant cajoler par la pulpeuse Irina prête à lui offrir ses charmes et même lui accorder, gracieusement, quelques petits suppléments dont elle avait le secret.
              Dame Claude estimait que la soirée s’éternisait et craignait que son petit commerce ne se perdît en bavardages et marivaudages. Elle fit venir Robert, l’homme de la maison, gardien vertueux de ces dames, discrétion assurée, consolateur des mauvais jours et bricoleur, pour réparer les dégâts du vrai faux vase Ming.
              C’est alors que tout ce petit monde s’aperçut de la présence de l’homme, costume trois pièces et serviette en pécari, à demi caché entre le seuil et le porte-manteaux. Hector l’avait entraîné jusque là. Après un instant d’hésitation, l’homme avait poussé, avec une certaine réticence, la porte de ce lieu de perdition et se dit :
              – après tout ! Je ne fais que rendre ce chien à son maître ! L’occasion fait le larron ! Diantre !

              #28778
              Lillà Berger
              Participant

                – Après tout ! Je ne fais que rendre ce chien à son maître ! L’occasion fait le larron ! Diantre !

                À cinquante ans passés, Hubert de Montalembert n’avait jamais mis les pieds dans ce genre d’établissement. Dans son club à lui, on fumait le cigare en parlant des exploits d’un étalon récemment acquis ou de l’envolée du cours de la bourse mais jamais, au grand jamais, la direction ne laissait y pénétrer quiconque appartenant à la gent féminine. S’il passait ses soirées au club, c’était pour fuir son épouse et ses babillages intempestifs et il était loin d’être le seul dans son cas. Hubert avait bien une maitresse, pour faire comme tout le monde, mais les choses du sexe ne l’intéressaient pas ou pour être exact, elles ne l’intéressaient plus. Il avait bien vécu une passion torride, il y avait de ça une bonne trentaine d’années, avec une ravissante jeune femme qui, hélas, n’était pas de son milieu ; il était fou d’elle mais entre eux, rien n’était possible et la raison l’avait emporté.

                Il jeta un regard circulaire au petit salon et à ses occupants : l’aveugle à qui il avait ramené son bouvier bernois, à qui il avait visiblement volé l’attention de son public et qui le regardait comme un chien dans un jeu de quilles ; Dame Claude, tout sourire devant l’apparition inespérée de ce potentiel mécène, imaginant déjà son hôtel borgne devenir l’antichambre de la haute société ; Robert, qui bandait ses muscles d’un air de dire “tiens-toi à carreau”, comme si Hubert représentait une menace quelconque, et enfin les “filles”. Pas de première jeunesse, les filles, on aurait dit des copies de son épouse peinturlurées et outrageusement vêtues. Mais alors que son regard glissait sur la dernière de ces dames, la fameuse Irina qui s’était subrepticement écartée du jeune aveugle à son entrée, le cœur d’Hubert, son âme, et surtout sa tension artérielle s’emballèrent de concert.

                – Annette !!! C’est bien toi ??!!

                #32115
                melanie chaine
                Participant

                  Les beaux yeux d’Annette, malgré sa vie de galère, assombris par un maquillage bon marché, n’avaient pas perdu de leur candeur. Hubert y plongea son regard et fut transporté dans cette petite chambre de bonne qui abrita leurs délicieuses amours très vite contrariées pour raisons de convenance. La famille de Montalembert ne pouvait pas accepter cette mésalliance. « Ce sera elle ou nous et ta carrière dans l’étude de notaire de ton père » déclara son aïeul. Hubert avait obéi. Hubert n’avait jamais oublié. La présence d’Annette lui fit mesurer combien son existence convenue et monotone lui pesait. Tout l’ennuyait. Allait-il continuer dans cette vie sans saveur ? Était-il assez fort pour tout abandonner ? Sa rencontre avec un chien allait-elle bouleverser le cours de son existence ?
                  Il était déjà 23 heures … Il devrait prévenir à la maison … oui … le chien, bien sûr ! Un chien d’aveugle ! Oui … on a retrouvé son maître, etc … Il devrait appeler …
                  Il traversa la pièce devenue silencieuse et …

                  #33071
                  Plantarede
                  Participant

                    Il traversa la pièce devenue silencieuse et s’arrêta devant Irina. La voix de cet homme, au premier abord, inconnu, venait de bouleverser Irina, ou plutôt Annette. Oui c’était bien le coeur d’Annette qui se réveillait et, dans le même temps, expulsait une Irina qu’elle ne supportait plus. Elle s’élança à son cou :

                    – “Hubert ! Tu es venu me chercher. Mon amour, j’ai toujours su que nous nous retrouverions. Comme tu es beau, comme le temps t’a…”

                    – “Ca suffit Irina”, coupa dame Claude, “qu’est-ce que c’est que ces manières ? Ici vous êtes ma propriété, retournez plutôt vous occuper de notre hôte, je me charge d’accueillir monsieur”.

                    Robert s’interposa pour écarter Irina et accompagner Hubert vers dame Claude. Hector, sentant la tension s’élever, se mit à aboyer. Les chiens effrayaient Robert depuis qu’il avait été mordu à la cuisse à l’âge de douze ans. Il aimait son travail chez dame Claude, il était tranquille, il savait que les “filles” pouvaient tout au plus avoir un petit yorkshire.  Lorsqu’Hector montra ses crocs, Robert recula brusquement et…

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