Deux fois par journée, toute l’année, je guette les clients
dans ma robe de cuir bordeaux frappée de lettrages d’argent.
D’avance je ne sais jamais combien seront au rendez-vous
mais sûr que je ferai tout pour titiller leur palais, pour qu’ils reviennent chez nous.
L’instant est solennel lorsque je leur suis remis par le personnel.
Le silence autour de la table s’instaure
mais moi, les sens en émoi, je crains comme un minable d’être source de désaccord.
Leurs mains me compulsent, certaines de mes offres parfois les révulsent.
Le kir royal pourtant est un régal et leur appétit déjà s’emballe:
Assiettée de saumon mariné, velouté aux oignons gratiné
ou bien encore tarte flambée aux petits lardons?
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Filet de daurade poêlé sur lit de tapenade,
tagliatelles fraîches en émincé encré de seiche et bolée de civelles
ou veau Marengo bio et ses haricots nouveaux?
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Délices du fromager et nos chutneys complices
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Baba à l’ananas et mini-nougat? Sorbet fraisier meringué?
Corbeille de fruits du verger et gelée de groseille épicée?
Que choisir parmi tant de plaisirs?
Longuement ils hésitent, jusqu’à ce que finalement le serveur ne les précipite.
Leur choix est fait, en cuisine le staff est entre abois et aguets.
Que le festin commence, que se réjouissent les panses!
Ce soir pour moi, c’est un peu l’usine, on me passe tout droit à la table voisine.
Et demain?
Demain dès le matin reprendra mon turbin quotidien.