J’avais 16 ans

J’avais 16 ans. Ce jour-là, j’accompagnais mon très jeune cousin, sa bouée canard, pelle, râteau, moules et seau, sur cette plage privée : luxe suprême.
Je rejoignais mon matelas rayé bleu et blanc, parasol assorti, première rangée devant la mer, dans une attitude suffisamment nonchalante pour jouer les habituées et tenter de me fondre dans ce monde auquel je n’allais appartenir que durant ce petit mois de vacances que m’offrait une tante aimante et généreuse.
Je saluais notre voisine de matelas et surveillais petit cousin et ses châteaux, quand, à une dizaine de mètres de nous, un curieux ballet était en train de naître, insolite dans ce lieu fait de mondanités blasées et de bavardages sans substance dans l’attente d’un bronzage parfait.
Le sable semblait avoir enfanté deux corps à l’élégance virile, tant leurs reflets blonds se répondaient en note lumineuses. Leurs membres emmêlés étaient nimbés de ce halo singulier qu’on voit dans les peintures. La scène était la plage et le décor le ciel. Le spectacle pouvait commencer.
Leurs gestes démarraient lentement, orchestrés par le bruit d’une mer calme, lorsque les vaguelettes, dans un chuchotement, viennent à peine effleurer la grève humide. La lenteur de la lutte n’altérait pas l’efficacité de leurs prises. Et le rythme s’accélérait quand l’un d’eux, dans une furtive esquive, s’échappait pour aussitôt rebondir et se fondre dans l’autre. La chorégraphie, fluide et sensuelle, était d’un esthétisme absolu. Plus rien n’existait autour d’eux, absorbés dans leurs jeux de jeunes félins enlacés, communion pour une trêve fraternelle interrompue par une feinte gracieuse qui relançait la danse, en silence, parfaite harmonie avec les éléments. J’en goûtais l’insouciance.
Je fus interrompue par l’arrivée de ma tante qui me tendit une lettre dont la teneur me ramena à cette dure réalité : j’avais échoué au baccalauréat.

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