L’amour que portait mémé à son petit Joseph, si différent des autres enfants, lui laissait deviner tout ce qui était bénéfique pour le sortir de sa prison. Elle fouillait dans sa mémoire pour retrouver toutes les belles histoires qui avaient bercées son enfance ; puis elle lui racontait à la veillée. Cependant, elle était triste de ne pouvoir serrer son petit dans ses bras ; il refusait tout contact, hormis une petite tape sur la main. De jours en jours, l’enfant acceptait de participer à la vie simple et paisible dans ce cadre de hautes montagnes. Il passait de heures entières à contempler les cimes, silencieux, immobile sur le banc de pierre. Il acceptait enfin d’échanger quelques mots, et puis, rarement, quelques phrases. Ses grosses colères faisaient partie du passé.
Ainsi les années s’écoulèrent.
Joseph est maintenant un grand jeune homme. Il est toujours distant avec les personnes étrangères mais il communique avec ses grands parents. Aujourd’hui, il a 14 ans. C’est son anniversaire. Mémé a fait son gâteau préféré, un biscuit de Savoie. Au moment du dessert, pépé s’éclipse et revient avec un chien qui patientait dans la bergerie, un superbe berger des Pyrénées à poils longs. L’animal regarde en direction de Joseph. Il tente des approches avec précaution en reniflant le sol. Son instinct lui dit que son jeune maître doit se faire apprivoiser. Il reste à distance puis tente timidement des petits coups de truffe sur sa main, et Joseph le laisse faire. Pépé et mémé se regardent du coin de l’œil … ils sont maintenant sûrs que ces deux-là ne se quitteront plus.
« ce n’est pas tout ! Mais il faut lui donner un nom », dit pépé. « Balou », répond Joseph qui se souvient d’une histoire. « viens ! Balou ». Le chien ne se fait pas prier et ils dégringolent tous deux, comme deux vieux compagnons, sur le chemin caillouteux en direction de Villar.
Quelle ne fut pas la surprise des gosses du village qui, hier encore, interpellaient Joseph « Jojo ! Le barjo ! », de le voir arriver avec ce beau chien ! Eux, qui avaient coutume de lancer des moqueries de loin, osent s’approcher. Balou se laisse caresser en remuant la queue. Et Joseph attend patiemment, indifférent, le nez dans le ciel. Il n’a plus peur de ces petits garnements ; il n’est plus seul. La présence de son compagnon est en train de changer son rapport aux autres mais il ne le sait pas encore précisément. Juste une impression, un premier pas vers l’autre, une crainte qui se dissipe.
En remontant, Joseph s’arrête à la scierie comme il le fait chaque fois. La routine le rassure et l’accueil est chaleureux dans cette entreprise encombrée d’énormes piles de bois et sentant bon la sciure. Balou fait sensation auprès des employés. Jamais Joseph ne s’attarde, juste un petit « salut ! ».
« viens ! Balou », et tous deux rentrent, heureux.
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Jolie relation en devenir entre cet ado et Balou. Me vient la réflexion à vous lire que la médiation avec l’animal, qui a pourtant fait ses preuves, n’est pas assez utilisée dans les écoles, les foyers de vie, les Ehpad…
C’est un chapitre émouvant avec la présence du compagnon qui est en train de changer le rapport aux autres (c’est d’autant plus touchant que dans le chapitre précédent s’amorçait déjà une évolution à son arrivée dans son nouvel environnement, paisible et rassurant, alors qu’il commençait à lever les yeux, là-haut vers les grandes cimes…)
Et il y a une grande délicatesse dans la description de l’attitude du compagnon, lors du premier contact avec Joseph, qui tente des approches avec précaution en reniflant le sol et dont l’instinct lui dit que son jeune maître doit se faire apprivoiser.