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Hubert, un peu éméché, avale son quatrième  «petit blanc » pour accompagner  les «petits noirs » de ses compagnons du jour.
Une fois encore, il raconte l’histoire qui l’a mené comme chaque matin depuis six mois,  au comptoir du « café du bout de la rue »:

– Et là, mon pote, tu sais ce qu’il me dit mon pote… il me dit: «ouvre grand tes écoutilles Bébert, car ce que je vais te dire, va changer le cours de ta vie. Mais attention,  je ne te le dirai qu’une seule fois!» 

– Et?

– Et puis… plus rien.
Il tombe, mon poto. Les yeux grand ouverts, juste devant moi! Je lui ai passé la main devant le visage, en l’appelant plusieurs fois… plus de son, plus d’image comme on dit! Aveugle qu’il était et un peu mort aussi!

– Du coup, tu n’as pas su ce qu’il voulait te dire?

– Non, mais j’ai su qu’il n’avait pas de parole. Il devait me le dire qu’une fois,  pas AUCUNE fois! 

Depuis, Hubert n’a pas réussi à tourner la page. Il ressasse pour qui veut  l’entendre, cette histoire tous les jours de la semaine. Il reste bloqué  à cet instant précis où son camarade de régiment lui a dit de bien l’écouter car « il ne le lui dirait qu’une seule fois ».
Comme un chien aux arrêts, il reste aux aguets. Ce matin là, le caporal et lui étaient en permission. 
Hubert a déserté l’armée le jour même,  impossible de reprendre sa vie. Il raconte  depuis, son histoire à qui pourrait lui dire comment la terminer. 

Prenant son compagnon de bar à témoin, il explique sa consternation :

– Tu comprends , il a dit que ça changerait le cours de ma vie… Ce n’est pas rien ça… changer le cours de  sa vie…
Il était fort le caporal. Peut-être même qu’il avait la solution pour m’envoyer au septième ciel! C’était un de ces gars, à qui tout réussi, même la mort! Car il est parti la tête haute le bougre! La preuve, je ne peux me résoudre à l’oublier.

– Peut-être qu’il voulait juste te dire comment la porter haute ta tête, Bébert! Peut-être  même qu’il serait temps pour toi de la redresser, et de passer du « petit blanc sec  au noir corsé », et  de te remettre à  travailler !

A ces mots, Bébert est choqué. Son histoire sans fin est donc bien terminée.

Il quitte le comptoir avec vigueur pour braver son avenir, puis lance  un énième « A demain » à la cantonade.
Car demain est un autre jour, n’est ce pas?

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