Fiche précieuse glissée sous mon plastique transparent et rangée chaque jour dans le classeur, clic clic, avec mes comparses. La date du 27 juin 1982 est inscrite en lettres d’or ainsi que deux prénoms accolés Marie-Véronique & Douala. Et puis dans une belle écriture faite de pleins et de déliés suivent des lignes et encore des lignes : des piles d’assiettes, à dessert, à potage, à poisson, à salade, des verres à vin, à eau, à punch, à citronnade, des coupelles à champagne, des bols de cidre, des saladiers, raviers, saucières, des casseroles, des poêles etc… Le descriptif donnerait le tournis au plus huppé des chefs cuistots. Le métier des parents de Marie-Véronique est de faire de l’argent, comme d’autres font de la peinture ou du carrelage. Ils ne savent faire que ça et ils le font bien. Mais ils sont grands seigneurs, attentifs aux pauvres et n’hésitent pas à faire un chèque à Noël pour les bonnes œuvres.
Quand Marie-Véronique, leur fille unique, leur a présenté Douala, la mère s’est offert un petit infarctus et le papa un vrai AVC avec complications et séquelles. Ils ont, la rage au cœur, accepté les conditions de Marie-Véronique et consenti à ce mariage contre nature.
Les lignes de ma liste disparaissent sous les ratures ; les relations des parents de Marie-Véronique sont généreuses et quinze jours avant la cérémonie, seule la ménagère de 18 couverts en or massif, avec prénoms gravés sur le bas chantourné du manche, s’ennuie isolée en bas de ma liste. Bons princes, les parents de la mariée ont laissé une ligne à la famille africaine ; elle sera heureuse de participer à ce fastueux cadeau.
Le lendemain du mariage, les jeunes tourtereaux convient leur famille à leur table pour un somptueux retour de noces. La table est mise, le vin est au frais, les jeunes apprenties s’activent dans la cuisine sous la houlette du meilleur traiteur de la région. Dans la bonne humeur, les deux familles s’installent pour déguster le couscous hyper royal. La maman de Marie-Véronique pousse un cri strident lorsqu’elle s’aperçoit que les magnifiques couverts en argent n’encadrent pas les porcelaines précieuses de Gien. Bouche bée, elle voit la famille de Douala plonger les mains dans les plats avant de les porter à la bouche!
Et moi je garde en souvenir de ce mémorable instant une ligne non raturée qui commence à s’effacer sous la poussière des années.
un grand moment !
Fabuleux !
génial votre texte ! inspiré du film comique ” qu’est ce qu’on a fait au bon dieu ” ?