Il était une fois une clé, qui en avait marre de se faire malmenée.

Un coup, elle était plongée dans l’obscurité d’un sac, à rester collée à d’autres objets plus idiots les uns que les autres ; un autre, des mains pâteuses et grasses l’attrapaient sans aucune autre forme de procès… 

Sans parler des heures à se faire secouer tout ça pour finir dans une serrure froide et toujours résistante… 

Elle n’arrêtait pas de se plaindre : “et voilà ! Je suis à nouveau secouée et brinquebalée, trimballée et remuée. Mais pourquoi donc me fait-on virevolter ?”. A tel point que les autres clés du trousseau n’en pouvait plus de ses jérémiades. 

Clé se prit alors à rêver : “ce qu’il me faudrait, c’est une vie de château ! Je serais bien entourée, de nobles objets, élégants et de belles allures. Les serrures seraient douces et capitonnées. On me choierait, on me déposerait dans un écrin molletonné et rougeoyant, j’y brillerais de milles feux : on reconnaîtrait enfin ma valeur !”

Toute à ses rêveries, Clé fut soudain prise d’une secousse et se vit bientôt voltiger dans les airs, jusqu’à retomber, à coups de grandes éclaboussures entre les grilles d’un égout…

Envolés les rêves de grandeur et de richesse, disparue la douceur des étuis rembourrés, à la place Clé était plongée dans la crasse et dans la fange. 

Prise de remords, elle se mit soudain à regretter ses plaintes et à prier :  “S’il vous plaît, que l’on me sorte d’ici et je vous jure que l’on ne m’y reprendra plus : plus jamais je ne me plains”.

A peine avait-elle prononcé ces vœux, qu’un gentil gars de la voierie ouvrit la grille et alla récupérer la clé. 

Et c’est ainsi que plus jamais n’entendit-on Clé se plaindre d’être malmenée !

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