J’étais contente d’avoir été retenue pour mon long stage de fin d’études dans le bureau des archives qui conservait tous les documents relatifs aux terres australes antarctiques françaises. Le travail de classement et de numérisation était passionnant et répondait à mes aspirations professionnelles et personnelles. C’était un travail de titan et je ne doutais pas un instant que ce stage se terminerait par une embauche définitive. Je n’étais presque jamais seule dans mon labyrinthe d’études. Des écrivains, des historiens, des étudiants, des naturalistes-ornithologues se pressaient chaque jour en quête d’éclairages nouveaux sur la vie sur ces confettis disséminés dans l’Océan Indien.
C’est en faisant des recherches sur les fous à pieds rouges que je découvris dans un des cartons marqué ” île de Tromelin” un tas de feuilles jaunies, au papier altéré. L’écriture était malhabile, illisible parfois, mais dès les premières lignes je fus ferrée dans un récit fantastique.
8 décembre 1798
« Je suis Foutou, je suis prisonnier. Le bateau a coulé et beaucoup de mes frères sont morts coincés dans le ventre du bateau. Les blancs nous ont abandonné sur cette île où ne pousse que le sable. Ils sont repartis par la mer avec le nouveau bateau que nous avions construit. Je suis le seul qui sait lire et écrire, alors j’écris pour demander secours. Nous sommes abandonnés sur l’île depuis plusieurs lunes et déjà six personnes ont trouvé la mort. Nous organisons notre survie en pêchant du poisson et en capturant des oiseaux. Le bébé de Matari va bientôt arriver et je ne sais pas comment nous allons faire pour le protéger du froid et des vents. Nous avons encore du bois d’épave que nous pouvons brûler pour chauffer la soupe de tortue. Nous guettons la mer par où viendront les sauveurs. Nous sommes des esclaves libres mais prisonniers sur l’île de sable…»
Je ne suis jamais devenue archiviste, je suis écrivaine et je mets en scène les esclaves « oubliés » sur l’île de Tromelin.
Belle introduction. Pour une suite ?
Mon premier réflexe est non, pas de suite à suivre; mais allez savoir où m’enverra Algomuse une prochaine fois?
Est-ce la réalité? Je ne connais pas du tout cette partie du globe , ni son histoire…
J’ai ma réponse! Vive le net! Ce texte me donnait le sentiment de pénétrer dans un roman… l’écrivaine a bien fait de lâcher ses archives 🙂
J’ai longtemps été habitée par l’histoire des oubliés de Tromelin lu en BD (auteur Sylvain Savoa) et ce week-end des photos de cette partie du globe m’ont remis “en tête de gondole” cette histoire incroyable.