La vie d’un panneau STOP
Mais pourquoi les gens s’arrêtent-ils devant moi ?
A la tête qu’ils font, on dirait qu’on m’a posé là pour faire chier les gens.
Le pire dans la vie c’est d’obliger les gens à faire quelque chose qu’ils n’ont pas envie de faire vous ne trouvez pas ?
Ils le font parce qu’ils y sont obligés mais sans désir et moi ce que j’aimerais c’est qu’on s’arrête à mes côtés un instant et lire sur un visage juste un seul le désir d’être là.
Mais voilà, ma vie c’est de contempler chaque jour l’acte de ceux qu’on oblige sans désir et pourtant ça je le jure je ne l’ai pas désirer.
Ils s’arrêtent pour qui, pour quoi en fait ?
Personne ne le sait même pas moi, surtout pas moi.
J’ignore ce qu’on a écrit sur moi et ce qu’on lit de moi.
Je sais seulement que lorsque les gens m’aperçoivent de loin dans leur voiture, ils affichent un drôle d’air. Je sens que je leur fais de l’effet et cela se confirme car ils commencent à ralentir et je me fais piéger à chaque fois.
Je me dis, tiens ça y est cette fois c’est la bonne!
La bonne voiture, la bonne personne, la bonne famille, la bonne rencontre quoi.
On me regarde, je les intéresse c’est certain sinon pourquoi est-ce qu’ils ne tracent pas leur route ?
Je m’imagine plutôt velouté avec quelque chose de chatoyant avec beaucoup charisme lié mon envergure mais je ne comprends pas pourquoi une fois la voiture arrêtée, personne ne soit jamais descendue pour venir dialoguer, prendre un peu de temps avec moi, causer du temps, de la route ou du destin.
Malheureusement c’est presque toujours la même histoire. De loin lorsqu’ils posent sur moi leurs yeux, j’ai un peu l’impression d’être leur soleil ce que confirme leur stop à mes pieds.
Puis ils lèvent vers moi des pupilles flottantes et des regards de dévots mais en quelques secondes, leur foi est rassasiée et presque dégoûtés ils se détournent et fuient vers le monde de l’après, ce monde que je ne peux qu’imaginer avec un soleil encore plus grand surement.
Mes pires ennemis sont les nuages. Ils me font de l’ombre en traversant la route et à chaque fois je prie pour qu’ils passent vite car j’ai remarqué qu’on avait tendance à m’oublier dans le mauvais temps.
Voilà, chaque jour j’essaye de retrouver de la motivation. La belle diversité des véhicules et l’incroyable multitudes des visages m’y aide mais cette fascination ne semble pas réciproque et j’en arrive parfois à me sentir repoussant, désespérer et avoir des idées noires.
Le plus désolant c’est de croire à chaque fois que je les attire lorsque lorsqu’ils approchent.
Ils approchent, ralentissent et j’y crois à nouveau mais ils repartent sans un claquement de portière, sans un bonjour, sans un sourire et je passe au suivant puis au suivant et ainsi de suite éternellement.
Deux fois par an, le cantonnier vient me gratter le pieds et dégager les herbes folles qui m’étouffent.
Lui ne semble prêter aucune attention à ma personne. Il ne s’occupe que de mon pied et mon bien-être. C’est déjà ça, mais je sens bien qu’il ne cherche pas à me connaître et je ne le blâme pas, il fait son travail du mieux possible et puis de toute façon on ne peut pas plaire à tout le monde.
Quand je songe que j’ai quitté Boulogne, j’ai la tôle qui se refroidit.
Ils m’ont extirpé l’an dernier du plus beau carrefour de la ville pour me placer ici, à 15 kms de Ploermel en Bretagne. De prime abord j’ai cru à une promotion comme je n’avais rien demandé et avais toujours fait un travail exemplaire mais, une fois planté à Ploermel, j’ai déchanté.
Là-bas à Boulogne en région Parisienne, j’étais habitué à voir du monde au moins même si je n’y avais aucun ami. Ici, non seulement je continue à espérer un ami mais en plus je suis à 15 kms de la ville la plus proche et me meurs d’ennui. Comment imaginent-ils que je puisse rencontrer la population locale et entrer en contact ?
Un jour c’est certain je m’échapperai.
La question qui me hante depuis que je suis ici c’est « mais pourquoi diable s’arrêtent-ils tous si ce n’est pas pour me parler et me connaître, moi le panneau étranger ? »
Alors je cherche en vain une réponse sur les pare-brise qui me renvoient toujours le même mot-incompréhensible « POTS ». Aucune sens pour moi mais j’aimerais tellement leur dire STOP en vrai !
Audacieux, original. Quand j’ai vu apparaître le mot “panneau stop” dans les propositions de l’Algoscriptor hier, je me suis dit : que peut-on faire de “ça” ? Eh bien vous me montrez qu’on peut lui donner vie ! Bravo ! Oh, il ne m’inspire aucune sympathie votre Stop, mais quand même, déjà presque un peu de pitié. Je l’imagine, là-bas, seul sous la pluie, commençant à rouiller…
PS: je reste un peu dubitatif quant à l’usage de l’expression “faire ch… le monde” ; elle me semble incongrue en regard du vocabulaire mobilisé, de la syntaxe…