Ce samedi 15 août 2026, j’étais “le cadre de permanence”.
Une bonne centaine de clients attendaient déjà dans le hall de la galerie marchande, à l’entrée du “Paquebot”, lorsqu’il prit le micro.
— Ouverture du magasin dans trente minutes, dit-il d’une voix puissante, métallique et mélodieuse à la fois, que même la sonorisation ne pouvait déformer.
Il enchaîna aussitôt d’une façon qui donnait à penser que le discours n’était pas improvisé : “Veuillez commencer à dégager les allées. Toute palette encore présente en surface de vente dans quinze minutes gênera au nettoyage des sols, et engagera la responsabilité de son utilisateur.”
Le rythme était constant, mesuré, et chaque mot articulé avec précision comme s’il se fût agi d’un poème appris par cœur.
La récitation continua : “Je rappelle à Mesdames et Messieurs les chefs de rayons qu’ils sont contractuellement responsables en matière de dates limites de vente ; qu’il convient de retirer de l’offre les produits frais à “J -4”, et pour les autres secteurs concernés à “J -10″ ; qu’il ne s’agit pas seulement d’une contrainte légale, mais aussi de l’expression de notre respect à l’égard de notre clientèle, et à l’égard des personnes nécessiteuses qui bénéficieront de ces retraits.”
Cette dernière partie de la phrase, énoncée plus lentement et légèrement accentuée, fut suivie d’une pause de deux ou trois secondes, puis les haut parleurs vibrèrent de nouveau : “Nous sommes entrés dans la huitième période de l’année avec le prospectus “C’est l’été !” ; j’invite Madame et Messieurs les chefs de secteurs à s’assurer que chaque article de la publicité est disponible, et que la signalétique appropriée est en place. Je demande à chaque membre du personnel de veiller à ce qu’aucun des vingt-neuf mille mètres carrés de la surface commerciale de notre hypermarché ne devienne accidentogène par négligence. Chacun d’entre-nous en serait responsable, le cas échéant. Pensez tout particulièrement aux enfants et aux personnes âgées.
Pour les premiers, veillez à prévenir les risques de détournement d’usage par esprit de jeu. Pour les deuxièmes, concentrez votre attention sur l’accessibilité des produits.
Vérifiez également qu’aucun obstacle n’obstrue une issue de secours. Dans tous les cas, j’attends de chacun d’entre vous qu’il fasse preuve d’une vigilance permanente et de la serviabilité qui est notre “marque de fabrique” !”
Le ton, déjà, changeait. La puissance tranquille du début était bien toujours là, mais le poème tendait à s’effacer sous le sermon. Le rythme lui-même s’était accéléré. L’orateur semblait… inspiré !
Il poursuivit : “La publicité est indispensable à la survie de notre modèle économique, mais ne vous y trompez pas : les quarante mille clients qui nous feront l’honneur de leur confiance aujourd’hui, nous les devrons davantage à notre professionnalisme et à la qualité de notre accueil qu’à la publicité.
C’est nous, qu’ils viendront rencontrer. Montrons-nous dignes de cette confiance. Notre mission consiste à créer chaque jour des univers différents dans lesquels puisse se réaliser le plaisir des achats. Pour les réassorts de linéaires, respectez scrupuleusement les schémas d’implantation et soignez vos “facings”. Pour les espaces non linéaires, soyez créatifs ! Pensez “harmonie des formes” ; pensez “complémentarité des couleurs” ; privilégiez
la fluidité sur la masse ; ne craignez pas le vide : le vide est à la décoration ce que le silence est à la musique. Il se comble toujours. Naturellement.”
Il continuerait ainsi jusqu’à 9 heures précises. Tout “le registre” y passerait…
(à suivre ? votre avis?)
Bonjour monsieur Romair. Tout d’abord merci pour “sarah” je ne rajouterai pas de rochers noirs ! Ils sont miroir …
Ensuite votre texte : je hais déjà ce personnage ; je suivrai, à bientôt.