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La nuit tombe sur le parc zoologique. Les derniers visiteurs ont passé la sortie, les grilles sont fermées, les soigneurs ont fait le tour de tous les enclos et ont quitté leur poste de travail. Dans la serre à papillons, Monsieur Grandesailes guette le gardien de nuit. Le voilà qui arrive avec sa lampe torche et son air désabusé. Le papillon le regarde passer devant lui, puis se précipite dans le bas de la serre où il a grignoté le filet pour se faire une sortie. Comme tous les soirs, il quitte sa prison pour voler librement. Une fois dehors, il respire un grand bol d’air qui lui semble tellement plus frais et incroyablement plus parfumé que celui de la serre. Une voix se fait entendre :

– Monsieur Grandesailes? Vous êtes là?

Malheureusement, Monsieur Grandesailes est aveugle la nuit. Il ne peut se repérer qu’aux bruits de la nuit et aux voix de ses voisins.

– Je suis sorti Madame Dufaisan.

– Venez par ici, suivez mon chant.

Madame Dufaisan est une femelle faisan particulièrement imposante et très coquette. En revanche, elle chante d’une voix stridente et particulièrement faux. Monsieur Grandesailes se presse de la rejoindre.

– Vous voilà arrivé Monsieur Grandesailes.

– Merci de m’avoir guidé.

Un paresseux tombe sur Madame Dufaisan, qui pousse un cri.

– Que se passe-t-il? demande Monsieur Grandesailes

– C’est ce gros lourdaud de paresseux qui m’est tombé dessus encore une fois! s’étouffe Madame Dufaisan

– Vous m’avez réveillé Madame Dufaisan… Je faisais une sieste après cette journée éprouvante … Trop de visiteurs … Trop de sollicitations … Trop de cris d’enfants humains … Je suis au bord du brun out…

– Mais vous avez dormi  heures aujourd’hui! Je vous ai vu, je suis juste en face de votre enclos.

– Vous ne vous rendez pas compte Madame Dufaisan … je dois dormir minimum 15 heures par jour…

– Bon, secouez-vous un peu! Monsieur Grandesailes et moi-même vivons la même chose que vous,  nous ne nous plaignons pas pour autant.

– C’est une question de besoins Madame Dufaisan. Nous sommes tous différents, je suis tellement fatigué… J’aurais aimé que vous ne criiez pas.

– Je ne criais pas, je chantais. C’est pour ce pauvre Monsieur Grandesailes, vous vous rendez compte qu’il est aveugle, il faut bien que je l’aide!

– Oh vous savez Madame Dufaisan, rétorque Monsieur Grandesailes, je sais me repérer aux bruits de la nuit. C’est tellement calme, j’aime voleter selon le bruissement des feuilles, le clapotis de l’eau et les ronflements des ours. 

– Non Monsieur Grandesailes, vous avez besoin de moi pour vous guider, comment pourriez-vous vous repérer sinon. Bon, je voulais vous dire que notre nouvelle murène est arrivée, je vous propose d’aller lui rendre visite.

– Je suis si fatigué Madame Dufaisan … Je vais plutôt aller me reposer… se plaint le parresseux

– Oh! Arrêtez de vous lamenter, ça vous fera du bien, je sais ce qui est bon pour vous moi! Venez, ça vous réveillera.

Les trois animaux se dirigent vers l’aquarium. Ils entrent par la trappe d’écoulement, et se retrouvent dans une grande salle, face à une immense vitre où nagent de nombreuses espèces de poissons. Derrière eux, dans un aquarium seul, une grande murène ondule.

– La voilà! s’exclame Madame Dufaisan. 

– A quoi ressemble-t-elle? demande Monsieur Grandesailes.

– Eh bien, elle est très belle! Elle ondule dans l’eau comme une nymphe. 

– Bonjour petite nouvelle, dit Madame Dufaisan en s’avançant vers elle, bienvenue parmi nous. 

La murène regarde la femelle faisan et file dans le fond de son aquarium.

– Est-ce qu’elle nous regarde? interroge Monsieur Grandesailes.

– Elle nous ignore, elle nous nargue ! Quelle arrogance!

– Elle est peut-être triste, dit le paresseux.

– Il n’y a aucune raison d’être triste, elle sera bien traitée ici, je m’occuperai d’elle s’il le faut! objecte Madame Dufaisan.

– Peut-être préfère-t-elle être seule, suggère Monsieur Grandesailes.

– C’est ridicule, personne n’a envie d’être seul, je lui propose mon intérêt, elle devrait se saisir de cette occasion pour se faire des amis. Tout le monde a besoin d’amis, vous le savez comme moi.

– Tout le monde est différent Madame Dufaisan.

– Et bien si elle ne veut pas de mon amitié, c’est de l’égoïsme pur! Qu’elle reste seule! s’agace Madame Dufaisan. Je fais tout pour les autres moi et personne ne me le rend! Vous, vous ne faites que de râler parce que vous êtes fatigué alors que je vous dis qu’il faut vous bouger. Et vous Monsieur Grandesailes, je vous guide tous les soirs et vous me dites que vous préfèreriez vous perdre tout seul dans la nature. Et je ne parle pas de celle-là qui ne comprend pas qu’elle a besoin de moi pour s’intégrer. Non, on ne me rend pas ce que je mérite, moi qui prends en compte les besoins de tout le monde.

– Madame Dufaisan, la contredit le paresseux de sa voix grave et lente, vous vous fichez pas mal des besoins des autres. Le seul besoin auquel vous répondez c’est celui de vous sentir utile. Laissez donc cette murène tranquille, moi je rentre m’accrocher à ma branche pour récupérer, et ne vous avisez pas de venir me parler tant que vous ne connaîtrez pas mon prénom. Venez Monsieur Grandesailes, je vous sors de cet aquarium et vous pourrez voler comme bon vous chante.

Madame Dufaisan pince son bec, les yeux écarquillés, le corps raidi par la stupeur. Monsieur Grandesailes et le paresseux lui tournent le dos et se dirigent vers la sortie.

– Quel est votre nom Monsieur le Paresseux? demande Monsieur Grandesailes.

– Marcel.

– Et bien Marcel, merci de lui avoir dit ce que jamais personne ne s’est risqué à dire.

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