Les muscles sont tendus, les sourcils froncés. Chacun se lance des regards accusateurs. Celui responsable de la blessure de Fletcher est parmi nous. Mais lequel ?
Une menace flotte dans l’air, comme si un orage allait bientôt éclater. Et je ne suis pas le seul à le sentir. Le capitaine a la mâchoire crispée. Il sait que s’il n’agit pas, il pourrait faire face à une mutinerie. Le médecin de bord se penche à son oreille et lui murmure quelques mots. Pendant quelques secondes, mon regard croise celui du capitaine et mes poings se ferment. Pour autant, j’essaie de garder le visage impassible. Je dois être patient.
Le capitaine ferme les yeux un bref instant, puis annonce :
-Fletcher est mort.
La nouvelle provoque une forte réaction chez les hommes : ils crient, invectivent, frappent. Je suis le seul à pousser un soupir de soulagement qui passe inaperçu. Le capitaine lève les mains pour demander le silence mais ce geste qui avait été si rapidement obéi les jours précédents ne ramène le calme qu’après un long moment.
Il continue :
-Le couteau a perforé son poumon, le doc n’a rien pu faire.
-Qui a fait ça ? Lance un homme, le visage rouge de rage et les narines dilatées.
-Nous avons un suspect.
Je me raidis instinctivement mais personne ne le remarque. Toute l’attention est sur le capitaine. Celui-ci se tourne et nous suivons son regard. Les mains liées entre elles, poussé par le second, Will s’avance vers nous, le visage pâle et les yeux écarquillés. Il est en état de choc.
Un homme s’exclame :
-Ca peut pas être le mousse ! C’est qu’un gamin !
-On l’a trouvé au-dessus de Fletcher, le couteau en main, sa tunique pleine de sang.
La réponse du capitaine fait taire les hommes. Les doutes s’effacent de leur visage. Je soupire. Cet imbécile a dû découvrir le corps du marin et a sans doute essayé de le sauver.
Sur ce navire, le meurtre est puni de mort. Le gosse ne se défend toujours pas, donc on amène la planche. Les hommes réclament vengeance : ils le poussent et l’entraînent au bord.
Les yeux de Will rencontrent les miens. Ils semblent me supplier. Sait-il que le véritable coupable est sous ses yeux ? Si c’est le cas, s’attend-il à ce que je me dénonce ? Désolé Will, je ne le ferai pas. J’ai de plus grands projets. Tuer Fletcher n’était que le commencement de mon plan pour prendre le contrôle du navire. Il était trop proche du capitaine et trop perspicace. Il aurait tout découvert.
Et toi ? Et bien… Mauvais rôle a besoin d’être bien joué, comme on dit, et tu es le parfait acteur pour jouer dans ma pièce.
Vous tenez là le début prometteur d’une aventure au long cours 😉 et vous créez sur ce trois-mats une ambiance digne des grandes sagas de pirates. Puissiez-vous trouver d’autres défis à relever pour nous dévoiler un peu plus le plan de votre machiavélique narrateur.
C’est un très beau commentaire que vous me faîtes là ! Merci, je garde ce début dans un coin de ma tête et peut être qu’un jour j’écrirais une suite !
Chic ! j’ai eu le même souhait en lisant votre texte … mais c’est un jour où je procrastinais honteusement, en me promettant d’y revenir.
Bravo
Je serais curieuse également de découvrir une suite; Avec “de plus grands projets” et le commencement de son plan pour “prendre le contrôle du navire”, on est comme porté par le début d’une intrigue.